BFM Business
Emploi

La peur d'une "vie sans Gifi": l'enseigne est le premier employeur privé de cette ville mais prépare un plan social

placeholder video
Dans la ville déjà en déclin de Villeneuve-sur-Lot, le plan social de Gifi angoisse salariés et habitants.

À Villeneuve-sur-Lot, où Philippe Ginestet a ouvert son premier magasin en 1981, beaucoup de salariés "ne peuvent pas imaginer une vie sans Gifi" et attendent dans l'angoisse la fin imminente des négociations sur les modalités du plan social annoncé au printemps.

Plus de la moitié des suppressions de postes prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) concernent le siège social de l'enseigne de bazar, premier employeur privé de la sous-préfecture du Lot-et-Garonne (22.000 habitants).

Le groupe veut réduire ses effectifs de 5% sur un total de 6.000 personnes en France, en supprimant 186 postes sur 730 au siège et 116 dans 11 magasins voués à fermer.

À l'approche de la date-butoir, vendredi prochain, pour la conclusion de l'accord sur ce PSE, le silence règne, d'autant que les salariés ont reçu la consigne de ne pas parler aux journalistes. Le risque est trop grand de "tout perdre", dit l'un d'eux sous couvert d'anonymat.

"Il y a des salariés qui n'ont connu que Gifi et ont tout construit autour de Gifi. Ils se sont mariés, ont acheté une maison et tout s'écroule pour eux (...) Ils ne peuvent pas imaginer une vie sans Gifi", poursuit-il.

La bascule informatique ratée

Une autre salariée quinquagénaire, avec plus de 10 ans d'ancienneté, se dit "écoeurée" de la désorganisation dans le groupe. "Je pensais terminer ma carrière chez Gifi mais maintenant c'est le ras-le-bol", dit-elle, "prête à travailler en intérim".

"Soit les gens basculent vers des revendications beaucoup plus difficiles, soit ils préfèrent partir résignés", abonde Laurent Mardaga, élu CFDT, le syndicat majoritaire, pour qui "l'inquiétude est là depuis des mois".

"Ça fait deux ans que les problèmes ont débuté avec la bascule informatique ratée", dit-il.

Ce changement de système informatique, outre la concurrence d'autres magasins (Action, Maxibazar) ou de plateformes internet comme Temu, a provoqué les premières pertes du groupe depuis deux ans.

"Une vallée déjà sinistrée"

Après un rééchelonnement de sa dette l'an dernier, Gifi a arraché en janvier auprès de ses banques un plan de soutien financier, moyennant une nouvelle gouvernance et la mise en retrait du fondateur de l'enseigne, Philippe Ginestet.

Ces difficultés inquiètent tout Villeneuve, agglomération fragilisée et enclavée, sans autoroute et où la gare est devenue une agence France Travail.

"Je vois la ville changée avec un centre-ville en déclin, ça va se surajouter", redoute Frédéric Mallet, pharmacien. "Des gens vont partir et les emplois ne seront pas remplacés, la vallée du Lot est déjà sinistrée", avec la fermeture en 2018 de la fonderie voisine de Fumel, qui a employé jusqu'à 3.500 salariés.

"Les gens sont inquiets, ça se sent et beaucoup de sous-traitants de Gifi sont en difficulté", explique Alex Jounel, directeur d'un café-restaurant, qui a lui-même perdu du chiffre d'affaires avec le départ de cadres du groupe.

MC avec AFP