Florange : « Jamais plus d’acier ne coulera en Lorraine »

C’est un jour de deuil régional en Moselle. Ce mercredi la machine alimentant les cœurs des hauts-fourneaux de Florange a été éteinte définitivement. Révoltés, les ouvriers du site doivent inaugurer une stèle, aux côtés de celle de Nicolas Sarkozy, pour commémorer les promesses non tenues de François Hollande.

Le ciel de Lorraine s’assombrit pour les ouvriers métallos des hauts-fourneaux de Florange en Moselle. Redoutée depuis plusieurs mois, la fin définitive de l’activité de chauffe à Florange est désormais une réalité. Pour les métallos, qui appréhendaient ce moment depuis des mois, c'est « un symbole », « celui des politiques qui n'ont pas fait leur travail, des faux espoirs qu'ils nous ont donnés et de notre déception », résume Frédéric Weber, de FO. Sur RMC ce mercredi matin, Walter Broccoli, secrétaire générale FO ArcelorMittal à Florange, anticipe déjà les nouvelles difficultés qui vont se présenter face aux ouvriers en quête d’un nouveau travail. « Le reclassement des salariés est le nouveau problème auquel on va devoir se confronter, explique le syndicaliste. Certains d’entre eux vont devoir faire des centaines de kilomètres pour retrouver un emploi et devront laisser femme et enfants. Les gens vont perdre de l’argent. Ça va être très difficile de vivre en Lorraine ».

Une stèle pour les promesses non tenues des politiques

Une cérémonie funéraire symbolique aura lieu en début d'après-midi, à l'initiative du syndicat FO. Après une marche rythmée par des chants funéraires, les ouvriers observeront une minute de silence et procéderont à la pose d'une stèle. « Aujourd’hui, explique toujours sur RMC Walter Broccoli, on va mettre une stèle en place sur laquelle sera gravé : Trahison. Ici reposent les promesses faites par François Hollande aux ouvriers et à leurs familles le 24 février 2012. Forges et sidérurgie lorraine : 1323-2013. La force ouvrière de Florange ».

Les cœurs des hauts fourneaux refroidis dans 48h

La procédure complète, qui comprend notamment l'arrêt des tours de chauffe des hauts-fourneaux, ainsi que l'arrêt et la mise en sécurité de toutes les installations de la « phase liquide » de Florange, doit être finalisée d'ici à la fin juin. Mais dès ce mercredi la phase de refroidissement commence. « Les hauts fourneaux sont complètements éteints. On a coupé la machine qui maintenait en vie les hauts-fourneaux depuis 5h du matin et ce processus prendra fin d’ici 48h quand les cœurs de nos hauts-fourneaux se seront éteints, décrit Watler Broccoli du syndicat FO. Il me paraît totalement impossible de voir un jour les hauts fourneaux de Florange rallumés. Il ne faut pas raconter d’histoire aux salariés. Les hauts-fourneaux sont définitivement HS, kaput, foutus, morts. Il n’y aura plus jamais d’acier qui coulera en Lorraine. C’est fini. On est très émus, c’est la fin d’une époque dont il faut tourner la page. Il faut passer à autre chose maintenant ». Même s’il regarde vers l’avenir, Walter Broccoli ne peut s’empêcher de conserver une amertume au fond de lui. « On avait quand même ici une usine qui était viable et qui faisait du bénéfice, regrette-t-il ».

« On était une sorte de famille »

122 salariés de la filière chaude sont mobilisés à cette opération de fermeture. Parmi eux, Giovanni, 32 ans, et Serge, 53 ans. Deux métallos qui n'ont pas le même âge mais qui partagent un goût amer dans la bouche. Ils auront tous les deux le cœur gros, à l'heure d'éteindre l'alimentation en gaz des tours de chauffe. « On savait que le redémarrage allait être très difficile, raconte Giovanni, maintenant on sait que c’est définitif… Moi, ça fait 5 ans que je suis ici. J’ai appris beaucoup de choses. J’ai passé de belles années avec les camarades. On était bien sur notre outil, on connaissait notre travail. Maintenant, on attend un reclassement et un rayon de soleil. On doit tout recommencer à zéro ».
De son côté, Serge explique, lui aussi la boule au ventre, « ça fait toujours mal au ventre. On était une sorte de famille. Une usine comme ça employait beaucoup d’intérimaires et de sous-traitants. La région sera impactée. Je ne sais pas ce qui m’attend, mais j’espère que ça va bien se passé. Quand on était bien pointu sur notre outil de travail et qu’on doit recommencer et se remettre en question ailleurs, ce n’est jamais facile ».

Tugdual de Dieuleveult avec V. Joanin