Compétitivité : plus de charges pour l’embauche de saisonniers ?

- - -
A l’heure où tout le monde discute compétitivité, le volet agriculture du projet de loi de finance 2013, dont les discussions ont débuté lundi à l’Assemblée nationale, inquiète les producteurs de fruits et légumes. Ils étaient d’ailleurs 300 à manifester devant, lundi après-midi, contre une mesure qui les inquiète : la remise en cause des exonérations de charge pour les travailleurs saisonniers.
Jusqu'à présent, les agriculteurs bénéficiaient de 100% d'exonérations sur leurs cotisations patronales pour les saisonniers touchant jusqu'à 2,5 fois le SMIC. Si la loi de finance est entérinée, à partir de janvier 2013, les exonérations ne concerneront plus que les salaires allant jusqu'à 1,25 fois le SMIC, une mesure qui devrait permettre à l'Etat d'économiser 91 millions d'euros en 2013.
« On marche sur la tête »
Maraîchère en Indre-et-Loire et présidente de l'organisation Producteurs de légumes de France, Angélique Delahaye dit ne pas comprendre la mesure. « J’ai l’impression qu’on nous prend un peu pour des imbéciles. Tout le monde parle de compétitivité, le rapport Gallois semble préconiser des aménagements de charge, et le même jour, l’Assemblée nationale serait tentée de voter un article qui va alourdir les charges qui pèsent sur l’embauche des saisonniers. On marche sur la tête ! » Selon elle, c’est une partie de la profession qui est menacée : « Une partie des productions va encore disparaître. En 10 ans, on a perdu la moitié de notre surface de fraises et d’asperges, et ces surfaces, on les a retrouvées à l’identique en Allemagne, où le coût de la main d’œuvre est moitié moindre. Que le gouvernement ouvre les yeux ! »
« Une machine à bas salaire »
« Notre problème, ce sont les charges qui pèsent sur les salaires, enchaîne-t-elle. Un salarié nous coûte, au salaire horaire au SMIC, 9,4€. Au final, avec charges, on en est à 13€. Jusqu’à présent, quel que soit le salaire, on avait la même exonération. Maintenant, ce sont ceux qui seront le plus proche du SMIC qui feront le plus bénéficier leur employeur d’exonérations ». Evidemment, elle craint que les salaires ne soient tirés vers le bas. « Que va faire l’employeur ? Il va chercher le plus possible à embaucher au niveau du SMIC. Ils sont en train de mettre en place une machine à bas salaire, je suis effarée ».
« On n’embauchera plus de saisonniers »
Damien Greffin, agriculteur à Etampes dans l'Essonne et président de la FDSEA d'Ile-de-France (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles), estime la hausse des charges patronales à « 400 euros par mois pour un salarié ». Résultat, il menace de moins embaucher. « On va faire faire des heures supplémentaires à nos travailleurs permanents, et on n’embauchera plus de saisonniers, ou alors ce sera la fermeture de certaines entreprises. A l’échelle de l’Ile-de-France, ce sont presque 5 000 emplois directs et indirects qui seront menacés à terme ».
Une perte de « 35 000 euros par an »
Jean-Claude Guéhénec, maraîcher à Mesnil-le-Roi dans les Yvelines, estime la perte « à hauteur de 35 000 euros par an ». « L’année prochaine, je vais réduire, je n’embaucherai pas de jeunes au mois de juillet ou au mois d’août, on fera sans. On n’est pas là pour demander des réductions de charges pour faire de meilleurs profits, non, c’est pour travailler et vendre des produits locaux aux consommateurs de la région parisienne. Aujourd’hui, ça ne va plus être possible », craint-il.