Accord sur l’emploi : « Les députés ne sont pas des greffiers »

L'accord sur la réforme du travail, signé entre syndicats et patronat, devrait être lourdement amendé par les parlementaires - -
L'accord sur la réforme du travail risque de ne pas faire l’unanimité à l’Assemblée Nationale où il doit être présenté ce mardi. Il prévoit plus de flexibilité pour les entreprises contre davantage de protection pour les salariés. Ce texte transpose l'accord national qu'avait conclu le patronat (Medef, CGPME, UPA) et trois syndicats (CFDT, CFTC et CFE-CGC) le 11 janvier dernier. Lors de son intervention télévisée du 28 mars, François Hollande avait vanté cet accord sur l'emploi comme un moyen pour les salariés d'être « mieux protégés » et pour les entreprises d'avoir « plus de souplesse » en cas de difficultés.
Or, ce texte risque de provoquer des remous dans l'Hémicycle, en particulier chez certains députés de gauche. Invité de RMC et BFMTV ce mardi matin, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé « un texte profondément indigne » et prévoit de déposer 4500 amendements.
Le coup d'envoi de la discussion entre députés intervient une semaine avant une nouvelle manifestation contre le texte, à l'appel des syndicats non signataires : la CGT et FO.
La question de l’efficacité de cet accord contre le chômage reste posée, et au-delà, la marge de manœuvre des législateurs sur un accord uniquement entériné par des partenaires sociaux.
« Les entreprises fragilisées vont pouvoir continuer à exister »
Pour Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la Confédération Générale des Petites et Moyenne Entreprises (CGPME), la flexibilité est aussi une façon de sauver l’emploi à travers la mesure des accords ‘maintien dans l’emploi’ « Ils sont bénéfiques si une entreprise traverse une période économique difficile. Aux travers de ces accords, elle va pouvoir diminuer le temps de travail, donc la masse salariale, et continuer à exister ».
Jacques Freyssinet, président du Conseil scientifique du Centre d'Etudes de l'Emploi dénonce une portée du texte trop limitée pour véritablement permettre d’inverser la courbe du chômage. « A l’heure actuelle, les licenciements économiques représentent moins de 5% des entrées à Pôle Emploi. La grande masse des entrées, ce sont les fins de missions d’intérims, de CDD, les ruptures conventionnelles : tous ces grands flux ne sont pas touchés par cet accord ».
« Les députés doivent jouer leur rôle de législateurs »
Selon Emmanuel Maurel, conseiller d'Ile-de-France et tenant de l'aile gauche du PS, le problème réside dans la marge de manœuvre laissée aux parlementaires, renvoyés selon lui à de « simples greffiers » chargés de traduire en termes juridiques l'accord passé entre syndicats et patronat.
L’élu ajoute : « le Parlement doit redevenir le cœur battant de la démocratie, les députés doivent jouer leur rôle de législateurs ». Si Emmanuel Maurel voit la démocratie et le dialogue sociaux comme « une bonne chose » il insiste sur le fait que « la démocratie politique a vocation à s’exprimer sur tous les sujets qui sont du domaine de la loi, et ça reste leur prérogative suprême ».
Lors de son allocution du 28 mars, François Hollande a pourtant prévenu : « toute correction devra être approuvée par les signataires ».
Rappel des principales mesures de l’accord sur l’emploi |||
Sur la sécurisation des salariés :
- Une mutuelle pour tous: le projet de loi prévoit que tous les salariés du privé puissent bénéficier d'une mutuelle financée par leur employeur à partir du 1er janvier 2016.
- Des droits rechargeables au chômage: un salarié qui reprendrait un emploi temporaire ne perdrait plus ses droits antérieurs. Le texte prévoit une taxation des contrats courts par une sur cotisation chômage des CDD de moins de trois mois. Les embauches de personnes de moins de 26 ans en CDI seront exonérées de cotisation chômage pendant quatre mois.
- Un seuil minimum pour les temps partiels: 24 heures par semaine au moins pour les contrats à temps partiel, avec une majoration obligatoire de 10 % des heures supplémentaires.
Sur la flexibilité :
- Facilitation des mobilités forcées: L'employeur pourra contraindre ses salariés d'accepter un changement de lieu de travail, à condition d'avoir obtenu l'accord des syndicats représentant au moins 30 % des personnels. Le poste proposé devra être à qualification et rémunération équivalentes. Les salariés qui refuseront cette mobilité forcée pourront être licenciés pour motif économique.
- Accords de maintien dans l'emploi: Les entreprises rencontrant des difficultés conjoncturelles pourront baisser les salaires ou faire varier le temps de travail plus facilement. Une fois obtenu l'accord de syndicats représentant au moins 50% du personnel, les salariés qui refuseront les sacrifices pourront être licenciés plus facilement.
- Simplification des procédures de licenciement collectif: L'employeur pourra soit passer par un accord majoritaire, soit par une homologation par l'administration. Dans ce dernier cas, l'inspection du travail vérifiera la validité de l'ensemble de la procédure avant que les licenciements ne soient prononcés.
Côté dialogue social:
Dans les entreprises de plus de 5 000 salariés en France, les salariés éliront un ou deux représentants en conseil d'administration.