EDITO. Vers un retour de la déflation? Un casse-tête (de plus) pour le budget 2026

La Banque centrale européenne a baissé ses taux pour la huitième fois jeudi. En un an, la trajectoire de la politique monétaire s’est inversée à toute vitesse. L’inflation est désormais sous contrôle, au point que certains évoquent un nouveau risque: celui du retour de la déflation. Un scénario qui pourrait sérieusement compliquer la préparation du budget 2026.
Depuis le 12 juin 2024, la BCE a réduit ses taux directeurs de 200 points de base. L'inflation en zone euro, qui atteignait encore 2,5% en janvier, est tombée à 1,9% en mai. En France, c’est encore plus spectaculaire: 0,7 % sur un an. Bien en deçà des 1,4% inscrits dans la trajectoire du gouvernement. Du jamais vu depuis quatre ans.
En Suisse, les prix ont même basculé en territoire négatif. En mai, l’inflation helvétique est tombée à -0,1%. De quoi raviver la crainte d’une spirale déflationniste: les consommateurs reportent leurs achats en anticipant une nouvelle baisse des prix, la demande s'effondre, la croissance ralentit... et les prix baissent à nouveau.
Un poison budgétaire pour Bercy
Que signifie ce contexte pour les finances publiques françaises? Beaucoup de mauvaises nouvelles.
1. Moins de recettes fiscales
La déflation entraîne une stagnation, voire une baisse, des recettes fiscales: moins de TVA, moins de progression des salaires, donc moins d’impôt sur le revenu. Et, en miroir d’une croissance ralentie, moins d’activité à taxer. Le budget 2026 s’annonce déjà comme une équation difficile.
2. Des dépenses rigides
Contrairement aux recettes, les dépenses sont peu flexibles. Certes, la baisse de l’inflation ralentit l’indexation des prestations sociales. Mais les salaires des fonctionnaires, les pensions et les aides sociales doivent continuer à être versés. Résultat : les dépenses restent élevées, tandis que les recettes stagnent. Le déficit se creuse.
3. L’année blanche… sans économies
À Bercy, on évoque désormais une “année blanche”: un gel des dépenses pour faire des économies. Sauf qu’en l’absence d’inflation, les économies en "tendance" s’évaporent. Les calculs budgétaires reposent sur une progression naturelle des dépenses liée à l'augmentation de la population, son vieillissement… et à l’inflation! Si cette inflation disparaît, la marge d’ajustement aussi.
4. Une dette plus lourde à porter
Enfin, la déflation alourdit mécaniquement la dette. Avec l’inflation, on rembourse avec une monnaie dépréciée. Avec la déflation, c’est l’inverse: la dette devient plus lourde. Et si, dans le même temps, le PIB nominal stagne, le ratio dette/PIB remonte.
La déflation, véritable ennemie du budget
On croit souvent que l’inflation est le pire des maux. C’est vrai pour le pouvoir d’achat, moins pour les finances publiques. Car pour l’État, l’inflation est une alliée précieuse : elle gonfle les recettes, allège la dette et lubrifie le pilotage budgétaire.
À l’inverse, la déflation est un poison silencieux, difficile à combattre. Pour Bercy, la rédaction du budget 2026 s’annonce plus périlleuse que jamais.