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EDITO. Attention à l’universalité des prestations sociales

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Parmi les pistes avancées par la Cour des comptes pour réduire les dépenses santé: l’indexation des remboursements des frais de santé sur le revenu des patients. Attention à ne pas faire exploser le système.

Attention à ne pas enclencher un grand mouvement de désertion des ménages les plus aisés, sur lesquels repose le système de la Sécurité sociale. L’universalité des prestations sociales en France, ce n’est pas un luxe: c’est un socle.

Elle garantit que chacun, quels que soient ses revenus, a droit à la même protection face aux risques de la vie: maladie, vieillesse, famille.

Et pour la deuxième fois en dix ans, ce grand principe hérité du Conseil national de la Résistance de 1945 risque de subir un sérieux coup de canif, pour des raisons de rationalisation budgétaire.

La première fois, c’était sous François Hollande, en 2015: il a baissé le plafond du quotient familial, puis modulé les allocations familiales en fonction des revenus.

Une double lame qui a coûté cher aux 10% les plus aisés des cinq millions de bénéficiaires des allocations. Les mêmes 10% qui acquittent 70% de l’impôt sur le revenu.

La seconde réforme n’a pas encore frappé, mais a été mise sur la table par la Cour des comptes, avec cette idée d’indexer les remboursements de santé sur les revenus, une idée qui trouve une oreille attentive chez plusieurs responsables politiques.

Ce système existe ailleurs en Europe

Oui, en Allemagne par exemple, où le gouvernement a mis en place un "bouclier sanitaire" qui limite à 2% du revenu les dépenses de santé à la charge des citoyens. Si vous touchez 2.500 euros par mois, le reste à charge est de 600 euros maximum par an. Si vous touchez 5.000 euros, il est de 1.200 euros, etc. Je rappelle qu’en France, le reste à charge est le plus faible d’Europe: 250 euros par patient.

Le modèle allemand est plutôt juste et équitable. Un ticket modérateur de 2% sur les dépenses de santé n’a rien d’insurmontable. Cela permet aussi de limiter la surconsommation de médicaments, alors qu’en France, le modèle de quasi-gratuité favorise une consommation excessive, estimée à quelque 50 milliards d’euros par an.

Mais le corollaire, c’est qu’en Allemagne, les cotisations sociales sont plafonnées, contrairement à la France, où elles peuvent atteindre des niveaux très élevés. En Allemagne, les prélèvements obligatoires sont bien inférieurs à ce que la puissance publique prélève en France — près de 200 milliards d’euros de moins.

On ne peut prélever toujours plus d’un côté, et redistribuer de moins en moins de l’autre. Même si c’est la pente naturelle du modèle socialiste.

En continuant sur cette voie, nous nous dirigeons tout droit vers une sécession des élites, qui se paieront une assurance privée, comme elles se paient des écoles privées aujourd’hui. Alors, c’est tout le système qui risquera de s’effondrer.

Un système qui, faut-il le rappeler, repose sur un tiers des Français les plus aisés (grosso modo au-delà de 2.300 euros mensuels), qui sont des contributeurs nets. Ils paient plus qu’ils ne reçoivent. Les deux autres tiers sont des bénéficiaires nets.

Une répartition importante à garder en tête avant de remettre en cause l’universalité des prestations sociales.

Raphaël Legendre