Fiona Scott Morton juge "préoccupant et triste" le fait que "la société française soit si peu sûre d'elle"

Quelques semaines sont passées depuis que Fiona Scott Morton a renoncé à son poste à la Commission européenne, mais l'amertume est toujours là pour l'Américaine. Celle dont la nomination à la tête de la direction générale de la concurrence à Bruxelles, le 11 juillet dernier, avait provoqué une levée de boucliers, s'est exprimée dimanche pour la première fois depuis sa décision dans les colonnes du Telegraph.
"Il est préoccupant et triste que la société française soit si peu sûre d'elle au point de rejeter de l'idée qu'un Américain, avec des principes, puisse travailler pour l’Europe", a-t-elle estimé.
L'experte, qui a notamment travaillé pour l'administration Obama et pour des Gafa comme Microsoft et Apple dans son passé, montre ainsi qu'elle n'a pas digéré cet épisode. Elle évoque les conséquences personnelles que cette démission a entraînées pour elle. "J’avais pris soin de réorganiser ma vie, celle de ma famille, mon logement, mon enseignement, mon université, mes étudiants, mes projets de recherche", déplore-t-elle.
La proximité de l'Américaine avec certains géants de la Tech comme Microsoft et Apple, pour lesquels elle avait réalisé des missions de conseil, n'était pas passée en Europe. La Direction générale de la concurrence de la Commission étant souvent amenée à enquêter sur les agissements des acteurs de la Tech, le recrutement de Fiona Scott Morton avait été vivement critiqué.
Une remise en cause dans les hautes sphères du pouvoir
"Cette nomination mérite d'être reconsidérée par la Commission", avait lancé Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères française, quelques jours après son annonce discrète par la Commission européenne.
Une requête appuyée par les principales forces politiques du Parlement européen. Au sein de l'hémicycle, les chefs du groupe PPE (droite), l'Allemand Manfred Weber, du S&D (sociaux-démocrates), le Français Stéphane Séjourné et l'Espagnole Iratxe Garcia Perez, de Renew (centristes et libéraux), et le Belge Philippe Lamberts (Verts) avaient écrit à la Commission pour lui demander "d'annuler cette décision". Même le président français Emmanuel Macron s'était dit "dubitatif" quant à ce choix de recrutement.
Etant donné les oppositions que son arrivée avait provoquées, y compris dans les plus hautes sphères du pouvoir, Fiona Scott Morton considère qu'elle n'avait pas vraiment d'autre choix que de renoncer à ses fonctions.
"L'économiste en chef de la concurrence doit être légitime et bénéficier du soutien de la communauté qui forme l'UE", a-t-elle justifié auprès du Telegraph.
"Je ne voulais pas me retrouver dans une position où une fraction substantielle du pouvoir en Europe voulait que je parte. Ce n’est pas un travail agréable", a-t-elle ajouté.