Allemagne, Italie, Irlande: les menaces douanières de Donald Trump planent sur l'Europe

Trump II, premier jour. Réélu en novembre dernier pour un second mandat, Donald Trump reprend officiellement les commandes de la Maison-Blanche dès ce lundi. De l'autre côté de l'Atlantique, l'Europe s'interroge sur les intentions économiques du nouveau président américain. Au cours de sa campagne, ce dernier avait martelé à plusieurs reprises vouloir imposer des droits de douane de 10% à 20% sur l'ensemble des produits étrangers entrant aux États-Unis.
Pour l'Europe, la menace est sérieuse: les États-Unis représentent un partenaire commercial incontournable. Médicaments, vins, voitures, machines-outils… Près de 20% des exportations de l'Union européenne ont traversé l'Atlantique en 2023, loin devant le Royaume-Uni (13,1%) ou la Chine (8,8%), selon les données Eurostat.
La situation est toutefois très variable au sein de l'UE. Certains États-membres affichent un excédent commercial considérable avec les États-Unis. Si l'on pense en premier à l'Allemagne, machine exportatrice animée par la construction automobile et l'industrie chimique, d'autres pays auraient beaucoup à perdre d'éventuelles surtaxes américaines. À commencer par l'Italie, autre grande exportatrice, et la plus inattendue Irlande, très dépendante du marché américain.
• L'Allemagne
L'ombre des "surtaxes Trump" planent sur l'économie allemande: en 2023, l'Allemagne enregistrait un excédent commercial de près de 86 milliards d'euros vis-à-vis des États-Unis, selon les données Eurostat. En plein marasme industriel, le pays a enchaîné deux années consécutives de récession et craint qu'une bataille douanière avec les États-Unis ne donne un coup de frein à la timide reprise attendue en 2025. Selon la banque centrale allemande, une telle augmentation des droits de douane pourrait lui coûter 1% de son produit intérieur brut (PIB).
Reine de l'industrie allemande, la construction automobile est largement dépendante du marché américain: 12,6% des voitures et des pièces automobiles exportées par l'Allemagne en 2023 sont parties vers les États-Unis. L'automobile allemande, et l'Allemagne de manière générale, a été l'une des cibles favorites de Donald Trump au cours de sa campagne, évoquant explicitement BMW, Mercedes ou Volkswagen. "Je veux que les entreprises automobiles allemandes deviennent américaines", avait-il notamment renchérit en septembre dernier.
La dépendance aux États-Unis est encore plus forte pour l'industrie chimique allemande, qui compte des mastodontes comme Bayer ou BASF. Près d'un quart de toutes les exportations pharmaceutiques allemandes sont destinées au marché américain.
Une nette hausse des droits de douane pourrait inciter les entreprises à produire davantage aux États-Unis pour y échapper, d'autant plus que les industriels allemands possèdent déjà une solide base de production sur le sol américain, notamment les constructeurs et équipementiers automobiles.
• L'Irlande
Au large de l'Europe, l'Irlande serait chahutée par une frénésie douanière américaine: l'île enregistrait un excédent commercial d'un peu plus de 31 milliards d'euros avec les États-Unis en 2023, selon les données Eurostat. Le modèle économique irlandais, une plaque tournante de l'économie transatlantique, est particulièrement vulnérable à une flambée protectionniste entre les deux parties.
Victime insoupçonnée, l'industrie irlandaise serait en première ligne si la nouvelle administration concrétisait ses menaces douanières. Le marché américain est en effet le premier débouché des exportateurs locaux: plus de 45% des biens exportés par l'Irlande en-dehors de l'Union européenne partaient vers les États-Unis en 2023, selon Eurostat, une proportion unique au sein de l'Union européenne. Le commerce intra-UE est, lui, l'un des plus faibles parmi les États-membres.
L'Irlande s'appuie notamment sur une solide industrie chimique et pharmaceutique, à l'origine des deux-tiers de ses exportations vers l'étranger – un secteur dans le viseur de Donald Trump, promoteur immodéré des produits "made in America".
Par ailleurs, l'Irlande a réussi à séduire les géants américains de la tech grâce à une taxation avantageuse. Ce pilier de l'économie irlandaise ne serait pas concerné par une hausse des droits de douane, mais il ne serait pas épargné pour autant par le retour de Donald Trump: ce dernier compte abaisser le taux américain d'imposition sur les sociétés de 21% à 15%, le niveau de l'Irlande, pour inciter les entreprises américaines et leurs salariés à revenir aux États-Unis.
• L'Italie
Autre grande machine exportatrice européenne, l'Italie est l'un des partenaires commerciaux privilégiés des États-Unis: le pays transalpin affichait un excédent commercial de 42 milliards d'euros avec les États-Unis en 2023. Voitures, vins, machines-outils, navires, vêtements… Le marché américain est l'un des principaux client des productions italiennes.
De même que l'Allemagne, l'Italie pourrait craindre une augmentation des droits de douane américains. Rome dispose toutefois d'un atout: sa Première ministre, Giorgia Meloni, apparaît comme la dirigeante européenne d'importance la plus proche de Donald Trump, qu'elle a déjà rencontré deux fois depuis sa réélection en novembre dernier. Signe de ses bonnes relations avec le nouvel hôte de la Maison-Blanche, elle a reçu un carton d'invitation pour la cérémonie d'ouverture.
Contrairement aux autres dirigeants européens, Giorgia Meloni affiche également d'excellentes relations avec le milliardaire Elon Musk, le patron de Tesla et SpaceX, omniprésent aux côtés de Donald Trump. Des discussions autour d'un possible contrat de 1,5 milliard d'euros entre le gouvernement italien et SpaceX, pour la fourniture d'un système de télécommunications sécurisées, ont encore récemment suscité la colère de l'opposition politique en Italie.
Malgré les bonnes relations de Giorgia Meloni avec l'administration Trump, rien n'assure à l'Italie d'éviter une bataille douanière entre l'Europe et les États-Unis. D'autant que son industrie automobile dépend, en partie, de la santé de son homologue allemande: bon nombre de sous-traitants italiens fournissent les constructeurs allemands.