Pourquoi l’abonnement téléconsultation mensuel de Ramsay est-il autant critiqué?

La médecine aussi est passée au modèle Netflix et cela ne ravit pas tout le monde. Le groupe de cliniques privées Ramsay Santé a lancé, il y a un an, un service de téléconsultation pas comme les autres: pour 11,90 euros par mois, les patients ont accès à un médecin par téléphone ou vidéo tous les jours et à n’importe quelle heure.
"Une fois l’abonnement souscrit, aucun surcoût ne vous sera demandé, toutes vos téléconsultations sont incluses", explique le géant européen de l’hospitalisation et des soins sur son site.
Une offre inédite en France et qui provoque la polémique alors que le système de santé, saturé, a du mal à fonctionner correctement et que les médecins libéraux, inquiets après le vote d'une nouvelle proposition de loi, étaient encore appelé à faire grève vendredi. Face à une vague de réactions négatives, Ramsay a d’ailleurs publié sa réponse.
Aucun surcoût, dans la limite "raisonnable" de 20 appels par an
L’offre est alléchante: diverse, "made in France" et avec l’assurance d’un accès immédiat. "Pas de filtre ni d’intermédiaire, pas de délais d’attente ni de RDV à planifier, vous êtes directement et immédiatement mis en relation avec le médecin ou professionnel de santé […] Plus de 20 spécialités médicales représentées […], 100% des médecins et professionnels paramédicaux sont diplômés en France et inscrits au Conseil de l'Ordre des médecins ou à l’Ordre de leur profession", annonce Ramsay sur son site.
Elle n’est, en revanche, pas illimitée puisque son partenaire télémédecine Medaviz précise dans ses conditions générales d’utilisation que le nombre d’appels ne peut dépasser une limite "raisonnable" estimée à 20 ^par an.
Depuis le Covid, la téléconsultation a le vent en poupe. En effet, en 2020, alors que l’Hexagone et la plupart des pays monde étaient confinés, les autorités sanitaires françaises recommandaient aux citoyens de téléconsulter plutôt que de se déplacer. S'en est suivie une explosion des demandes. Avec son offre, Ramsay tire parti de sa généralisation mais, au contraire d'autres plateformes comme Qare ou MédecinDirect, il faut payer pour s'abonner. Scandaleux pour certains, qui l’ont fait savoir.
"Un couloir rapide pour ceux qui peuvent payer"
L’abonnement n’est pas nouveau mais la montée des contestations, sur les réseaux sociaux notamment, l'est. "La médecine générale n’a tellement pas de valeur qu’elle coûte moins qu’un abonnement Netflix", peut-on lire, par exemple, sur Twitter.
Quel est le problème exactement? Pour Arnaud Bontemps, porte-parole du collectif Nos Services Publics, il ne s’agit pas d’attaquer Ramsay mais de défendre l’accès pour tous aux soins primaires et d’empêcher la dérégulation du secteur qui s’accélère.
Selon lui, "l’enjeu de Ramsay n’est pas forcément d’être rentable mais de transformer l’offre, de surfer sur la saturation des soins, de construire une filière de soins primaires qui mènerait à leurs cliniques […] Si l’offre marche, on va créer un couloir rapide pour ceux qui peuvent payer", explique-t-il à BFM Business.
Le docteur Sophie Bauer, présidente du syndicat des médecins libéraux, accuse quant à elle ce "pass Navigo de la téléconsultation" de transformer la médecine en "un bien de consommation courante."
"Pour 13 euros, on va s’acheter tous les arrêts maladies qu’on veut", continue-t-elle avant d'ajouter que cela va dévoyer une ressource médicale déjà rare vers des pratiques "low-cost". Elle souligne également l'importance d'être suivi par des médecins qui connaissent les antécédents de leurs patients.
Système de santé saturé: l’échec des pouvoirs publics?
Contesté, l'abonnement que propose Ramsay répond pourtant sans doute aux attentes de certains patients qui en ont ras-le-bol de ne pas pouvoir trouver de rendez-vous rapidement.
Car le système de santé français fonctionne mal. Le docteur Sophie Bauer parle même de la "destruction organisée" de celui-ci par les pouvoirs publics depuis plusieurs années et Arnaud Bontemps en appelle avant tout à l'Etat pour régler la situation.
Déserts médicaux, saturation des urgences, pénurie de personnel… Les problèmes s’entassent sans se régler. La moitié des Français ont du mal à se faire soigner d’après un sondage Elabe publié en janvier 2023. Plus d’un sur dix disent même n’avoir aucun accès du tout aux services de soin et une proportion similaire n’a pas de médecin traitant. Faut-il s’étonner si certains décident de payer pour des soins gratuits mais introuvables?
Ramsay Santé a décliné une demande d'interview de la part de BFM Business mais a publié un communiqué mercredi pour répondre aux critiques qui se sont multipliées ces derniers jours.
Ramsay se défend, l'odre des médecins condamne l'offre
Dans le communiqué de Ramsay, le groupe note que ce type de service est déjà proposé par les mutuelles ou assurances de santé. "Ramsay Santé a interrogé plus de 2000 personnes sur leurs attentes quant à la santé et le bien-être au quotidien avant de proposer ce service. La possibilité de joindre un médecin à tout moment, sans qu’il ne s’agisse pour autant d’un service d’urgence, a suscité un intérêt fort parce que rassurant les patients", explique également l'entreprise.
Ramsay rajoute que ce service qui permet "d’obtenir un avis médical ou une réponse sur une question de santé" ne se substitue pas à un médecin traitant et qu'il n’y a "pas de coût de consultation pour le patient, ni de prise en charge par l’Assurance Maladie (pas de remboursement)." Il est aussi "sans engagement", bénéficie à l'ensemble du foyer et "1/3 des appels sont effectués en dehors des horaires d’ouverture des cabinets médicaux".
Alors que la polémique gonfle, le Conseil national de l'Ordre des médecins a exprimé son opposition jeudi à cette offre "contraire à la déontologie médicale". L'ordre dénonce un service qui menace le modèle du système de soins fondé sur la solidarité et la gratuité et précise que les "téléconsultations médicales, proposées par ces plateformes, ne sont pas remboursées par l'Assurance maladie et sont à la charge du patient".