Pour Laurent Berger, "Emmanuel Macron a ruiné l’idée même du compromis"

Avant que le choix d'Emmanuel Macron ne se porte sur Michel Barnier, il était un nom dans la longue liste des personnalités envisagées pour le poste de Premier ministre. Considéré par une partie de la gauche comme personnalité idéale pour Matignon, Laurent Berger a été approché la semaine dernière par le chef de l'État. L'ancien secrétaire général de la CFDT est une figure de la société civile dont beaucoup estime qu’il pourrait être capable d’apaiser et de réconcilier les Français. Mais, pour l’heure, aucune offre ne semble trouver grâce à ses yeux.
S'il a choisi de décliner les propositions émanant de l'Élysée, c'est qu'il juge "difficile de discuter avec un camp présidentiel qui n'a jamais voulu tendre la main à quiconque", comme il l'explique dans un long entretien accordé à l'hebdomadaire Le 1.
Pour Laurent Berger, "le président ne peut devenir l’apôtre du rassemblement après l’avoir si longtemps rejeté".
"Emmanuel Macron n'incarne pas le centre, mais une politique de droite illisible! Il a ruiné l'idée même du compromis", tacle l'ancien leader syndical, qui pilote désormais un think tank du Crédit Mutuel consacré à la RSE.
Les Insoumis "fracturent la vie politique"
Il regrette que les discours d’Emmanuel Macron sur la nécessité de dépassements des clivages traditionnels soient une façon de "faire comprendre aux autres pourquoi ils devraient adopter ses positions". Et alors que la France est au bord de la crise de régime depuis la dissolution début juin, Laurent Berger estime qu'"en l’absence de majorité absolue, il n'y a pas d'autre voie que la recherche de compromis pour permettre des débouchés concrets aux demandes prioritaires, aux messages clairs et diversifiés des électeurs".
"Emmanuel Macron a surfé sur la formule 'et de droite et de gauche', or l'idée du compromis, ce n'est pas de considérer qu'on est à la fois le syndicaliste et le patron, c'est de tenir sa position."
Mais Laurent Berger égratigne aussi une sphère politique, qui plus globalement, n'arrive plus à discuter, à l'image "des Insoumis, qui portent également une part de responsabilité en fracturant la vie politique et en entraînant la gauche sur des positions maximalistes".
Le compromis est "un sport de combat"
Inspiré de son parcours de premier secrétaire de la CFDT, Laurent Berger a publié en avril 2024 Pour une société du compromis, un ouvrage coécrit avec le sociologue Jean Viard dans lequel il donne sa vision des négociations.
Dans Le 1, il décrit le compromis comme un idéal qui pousse à "mettre les mains dans le cambouis, à prendre des risques et à les assumer, à défendre" ses idées afin "d’obtenir des résultats".
Selon l’ancien leader syndicaliste, le monde politique, qui a tendance à confondre compromis et renoncement, fait fausse route puisqu’en réalité, il "consiste à trouver un chemin commun avec des gens qui ne pensent pas comme vous mais qui ont, comme vous, un intérêt à convenir d’une solution pour débloquer la situation ou progresser".
Alors que "c’est pris pour un truc mou, indigne des rois des estrades, c’est un sport de combat".
Malheureusement, Laurent Berger estime qu'à force de rejeter le dialogue, les Français risquent de se désintéresser, mettre à distance voir être en total rejet vis-à-vis de la chose publique. "Le risque est grand qu’une forme d’anxiété se généralise" et radicalise encore plus de Français. Malheureusement, "on a assez d’expérience pour voir sur quoi débouche cette radicalité. Le risque est encore et toujours le RN, qui vient tout de même de rassembler plus de dix millions de voix".