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Plus que 6 voire 4 mois pour saisir les prud'hommes: le gouvernement veut (encore) réduire le délai de prescription pour contester un licenciement abusif

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Pour "moderniser" le marché du travail, le gouvernement souhaite réduire le délai de prescription pour contester une rupture de contrat abusive. Alors qu'elle avait déjà été divisée par deux en 2017, cette période "reste largement supérieure aux voisins européens" selon le ministère du Travail.

Voilà une nouvelle mesure impopulaire qui pimentera les négociations avec les partenaires sociaux à la rentrée. Le ministère du Travail et de l'Emploi songe en effet à réduire le délai de prescription pour contester un licenciement abusif. C'est en tout cas ce qu'indique un document d'orientation, consulté par BFM Business, "relatif à la modernisation du marché du travail et à la qualité du travail". Ce dernier a été présenté courant juillet à la CFDT et à la CFTC, en plus des documents de travail en vue des négociations sur l'assurance-chômage.

Dans une section dédiée à "sécuriser les relations de travail", le cabinet de la ministre Astrid Panosyan-Bouvet indique qu'en France, "le délai de prescription de contestation de la rupture du contrat de travail reste largement supérieur aux voisins européens". S'appuyant sur les données de l'OCDE, le ministère montre, par exemple, que la durée moyenne en Europe pour contester une rupture de contrat de travail est de 7 mois, alors qu'elle est d'un an en France.

"Le gouvernement souhaite que les partenaires sociaux négocient sur la réduction de ce délai qui pourrait au moins être divisé par 2 ou par 3 au regard de nos voisins européens", poursuit le cabinet de la ministre du Travail et de l'Emploi.

Autrement dit, il serait question de réduire le délai de prescription à 6, voire 4 mois, au lieu de 12 actuellement. Une telle mesure protègerait ainsi les employeurs qui auraient le plus de souci à se faire en cas de recours aux prud'hommes par un de leurs ex-salariés.

Les licenciements non économiques ont doublé en dix ans

En effet, les licenciements à l'initiative de l'employeur, pour motif personnel comme les fautes graves ou lourdes et les ruptures anticipées de CDD sont depuis longtemps bien plus nombreux que les licenciements économiques. Et l'écart s'est creusé depuis une dizaine d'années.

En 2024 selon la Dares, l'organisme statistique du ministère du Travail, 889.772 licenciements pour des motifs autres qu'économiques, donc pour des raisons "personnelles", ont été recensés. C'est presque 11 fois plus que le nombre de licenciements économiques, qui s'établit à 81.921 cette même année. Dix ans plus tôt, la France totalisait plus de deux fois moins de licenciements non économiques: 383.190 recensés en 2014, soit trois fois plus que le nombre de licenciements économiques survenus cette année-là (111.623).

Macron avait déjà réduit la période pour contester un licenciement en 2017

Il n'empêche : le gouvernement aura bien du mal à convaincre les partenaires sociaux de réduire le délai de prescription pour saisir les prud'hommes en cas de licenciement abusif.

"Macron l'avait déjà divisé par deux avec les ordonnances Travail!", rappelle Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa.

En septembre 2017 en effet, les fameuses "ordonnances Macron" avaient réduit la durée légale pour contester un licenciement aux prud'hommes de 2 ans à 1 an. Si la négociation interprofessionnelle n'aboutit pas sur le sujet, alors le gouvernement serait contraint de passer par un projet de loi, soumis à l'examen des députés et sénateurs pour abaisser à nouveau le délai de prescription. Chose loin d'être gagnée en l'absence de majorité à l'Assemblée nationale.

Caroline Robin