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Perrier contaminé: un rapport recommande à Nestlé l'arrêt de sa production d'eau minérale naturelle

Une partie de la production de la marque Perrier, filiale de Nestlé, a été détruite "par précaution" après la découverte de bactéries "d'origine fécale" dans un de ses forages.

Une partie de la production de la marque Perrier, filiale de Nestlé, a été détruite "par précaution" après la découverte de bactéries "d'origine fécale" dans un de ses forages. - Fabrice COFFRINI © 2019 AFP

Plusieurs puits de forage présents dans l'usine de Vergèze ont déjà été suspendus cet été après des inspections révélant une contamination d'origine fécale. Mais c'est le site de production dans son ensemble qui est aujourd'hui pointé du doigt.

La marque emblématique d'eau gazeuse commercialisée par Nestlé pourrait être en voie de disparition. Un nouveau rapport confidentiel de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie, confirme que Perrier pourrait perdre son label d'eau minérale naturelle, révèlent Le Monde et Radio France.

Le rapport somme Nestlé d'envisager l'arrêt de la production sur son site historique de Vergèze, dans le Gard, en raison d'un risque virologique. Déjà épinglée depuis avril par des inspections successives, plusieurs forages avaient été suspendus à cause d'une contamination d'origine fécale.

Cette fois-ci, l'ARS "invite" le géant agroalimentaire suisse à "s’interroger stratégiquement sur un autre usage alimentaire possible de l’exploitation des captages d’eau minérale actuels", à condition d'apporter des "garanties de sécurité sanitaire complémentaires". L'inspection menée fin mai et bouclée en août estime que Nestlé Waters doit sérieusement envisager "un arrêt de la production d’eau minérale sur le site de Vergèze", pointant un risque d'ordre virologique.

De son côté, Nestlé Waters souligne que le rapport dont il est question "est un rapport administratif préliminaire, qui a depuis été complété par les précisions techniques apportées par Nestlé Waters sur l’ensemble des points soulevés". "Il ne constitue donc pas une recommandation définitive sur les conditions d'exploitation de notre site d'eaux minérales de Vergèze", poursuit le groupe.

En outre "ce rapport ne remet pas en question la sécurité alimentaire de nos eaux embouteillées. Toutes les eaux commercialisées par Nestlé Waters, y compris sous la marque Perrier, peuvent être bues en toute sécurité". Et de conclure en assurant que "dans le cadre de ce rapport, la mission a acté les mesures déployées par Nestlé Waters dans son système de gestion de la qualité de ses eaux, qui comprend une procédure de contrôle renforcée de la qualité pour continuer à garantir la sécurité alimentaire de nos produits en toutes circonstances".

Une contamination volontairement masquée

À l'origine de la suspension de production, la préfecture du Gard devra trancher sur la demande de Nestlé d'octobre 2023 pour renouveler son autorisation d'exploitation de la "source Perrier". Cette dernière a indiqué au Monde et Radio France que cet avis pourrait être divulgué dès le "premier semestre 2025" après avoir reçu "l'avis des hydrogéologues agréés en matière d'hygiène publique".

La première suspension d'un des 7 captages a été décidé par le préfet du Gard en avril, ce qui a poussé Nestlé à détruire 3 millions de bouteilles en rayon. Le problème était alors attribué à un épisode de pluies intenses qui aurait ponctuellement affecté la qualité des nappes souterraines de la zone. Mais celle-ci serait en fait en état de dégradation généralisée à Vergèze.

Pour pallier la qualité insuffisante de son eau, Perrier avait renforcé son traitement par microfiltration. Un moyen utilisé depuis Nestlé Waters de masquer la contamination de ses eaux minérales afin de pouvoir les commercialiser. Pour les inspecteurs de l'ARS, ces traitements ont "un effet désinfectant avéré et visent à pallier une qualité d’eau brute insuffisante". Un "écart" à la norme considéré comme un "non-respect des obligations légales ou réglementaires juridiquement opposables".

Autres procédés utilisés pour passer entre les mailles du filet: les filtres UV et les charbons actifs. Des méthodes interdites que Nestlé a avouées avoir déployé depuis plusieurs années à Vergèze mais aussi dans les Vosges pour puiser les eaux de Vittel, Contrex et Hépar. Ce qui lui a notamment valu l'acquittement d'une amende de 2 millions d'euros, en septembre dernier.

Assouplissement réglementaire sous Elisabeth Borne

Le groupe en a même profité pour lancer une autre gamme de boissons "Maison Perrier" sans label "eau minérale naturelle" et donc sans le même niveau d'exigence sanitaire. Plus encore, en février 2023, le gouvernement a contribué à assouplir les normes en matière de microfiltration, contre l'avis de l'ARS. Ce qui permet à Nestlé de laisser les filtres UV et les charbons actifs de côté pour s'adonner sans réserve à la microfiltration.

Le gouvernement sous Elisabeth Borne aurait donc négligé ce risque viral (adénovirus, norovirus, hépatite A) et l'ARS rappelle que "les microfiltres n'ont pas d'effet de rétention sur les virus" et regrettant que "l'exploitant n'a jamais mis en évidence la présence de ces virus dans l'eau". Une commission d’enquête sénatoriale a été lancée en décembre pour faire la lumière sur les traitements interdits utilisés par les industriels du secteur, mais aussi sur la responsabilité des pouvoirs publics dans cette affaire.

Pierre Berthoux