"Il faut que ça cesse!": des milliers d'assurés privés d'indemnités à cause d'un nouveau logiciel de l'Assurance maladie

Face aux bugs de son logiciel, la CPAM assure mettre "tout en œuvre afin de rétablir la situation". - FRED DUFOUR / AFP
Sur Facebook, les témoignages sont nombreux et souvent poignants. "SOS, il faut que cela cesse! Depuis plus d'un mois, plus de 5.000 personnes ne touchent plus d'indemnités, c'est un scandale total et une précarisation des plus faibles", s'emporte Marie-Claire.
"Depuis fin septembre, je n'ai reçu aucune de mes indemnités journalières, mon propriétaire me menace d'ouvrir une procédure d'huissier si je ne paye pas mon loyer. La CPAM nous laisse crever", écrit un autre assuré.
"Les angoisses sont quotidiennes, je préfère payer mon loyer et mes factures plutôt que faire mes courses. C'est inadmissible ce que nous vivons là", renchérit un troisième.
"La dépression arrive à grands pas à cause de la CPAM, je n'en peux plus", se désole encore un salarié en arrêt de travail.
Ces témoignages, on les trouve sur plusieurs groupes dédiés à ce grave problème qui touche les assurés en arrêt maladie de Vendée et de Loire-Atlantique. Dans ces deux départements, la Caisse primaire d'assurance maladie teste depuis octobre un nouveau logiciel interne baptisé "Arpège" qui, visiblement, ne fonctionne pas.
5.000 assurés en souffrance, rien qu'en Loire-Atlantique
En effet, depuis septembre, rien qu'en Loire-Atlantique, plus de 5.000 assurés en arrêt maladie n'ont perçu aucune indemnité journalière. La plupart sont forcés de puiser dans leurs économies pour le quotidien, d'emprunter de l'argent, et certains n'ont tout simplement plus de ressources. À l'approche de Noël, l'angoisse est profonde car en plus de la maladie à gérer, ces assurés se sentent abandonnés.
Interrogée par BFM Business, la CPAM tente d'expliquer la situation. "Lors de la bascule entre les deux logiciels, des données pour plusieurs milliers de dossiers (soit moins de 0,3%) ont été incorrectement reprises (la complexité des règles d’indemnités journalières ont en effet conduit à des erreurs de l’applicatif) ce qui a entraîné des blocages de dossiers d’indemnités journalières qui sont en cours de résolution ou résolues", indique un porte-parole.
"Le déploiement du logiciel ne sera poursuivi qu’après la stabilisation de la situation dans ces deux départements et la mise en œuvre de l’ensemble des améliorations engagées sur le logiciel", poursuit-il.
Et d'assurer que "les équipes de l’Assurance maladie mettent tout en œuvre afin de rétablir la situation".
Malgré ces explications, au-delà de la détresse légitime, les assurés de ces deux départements dénoncent l'absence d'informations de la part de la CPAM, une communication, voire des informations contradictoires.
La CPAM déploie des agents et verse des acomptes
À Nantes néanmoins, des agents ont été spécifiquement déployés depuis d'autres caisses pour répondre aux assurés. "Notre priorité, c'est de verser les indemnités journalières dues aux assurés. Notre objectif prioritaire, c'est de rétablir ces paiements ou de trouver des solutions pour payer ces assurés", indique Pierre Peix, directeur de la CPAM de Loire-Atlantique sur TF1.
"Les CPAM de la Vendée et de la Loire-Atlantique bénéficient du soutien d'autres CPAM (près de 100 agents supplémentaires à date et près de 120 à mi-décembre) pour traiter les dossiers et rattraper le retard causé par les anomalies techniques", affirme un porte-parole de la CPAM à BFM Business.
"Cette aide a permis de régler près de 5.000 dossiers et va fortement progresser dans les semaines à venir. En parallèle, l’accueil téléphonique a été renforcé avec 25 agents supplémentaires dont l’activité est dédiée à la prise en charge des réclamations concernant les indemnités journalières", précise-t-il à BFM Business.
"Des difficultés persistent sur des assurés en temps partiel thérapeutique et des versements à des entreprises qui ont été amenées à modifier leurs périodes de subrogation durant un même arrêt. Les collaborateurs de l’Assurance maladie sont mobilisés à la résolution de ces incidents", précise la Caisse.
Face à ce fiasco, la CPAM tente de parer au plus pressé en versant des acomptes, selon les cas. Mais de manière très aléatoire et avec des montants parfois inférieurs aux sommes dues, parfois supérieurs (ce qui pourrait à terme générer des rappels pour des trop-perçus).
Le malaise des agents en première ligne
"J'ai touché un acompte de 600 euros en octobre et un autre de 500 euros en novembre. Ma pire angoisse, ne plus savoir comment s'en sortir pour vivre", relate une assurée.
"A force d'acharnement, j'appelle la CPAM tous les jours, ils m'ont débloqué un acompte de 800 euros qui n'a pas compensé mon découvert, ma carte bancaire est bloquée", explique un assuré en arrêt depuis un an. "Je ne veux pas d'acompte, je veux ce qu'on me doit."
Les CPAM concernées assurent avoir "versé plus de 27.500 acomptes à 15.000 assurés ayant eu un incident de paiement pour un montant de plus de 22 millions d’euros. Un quart des dossiers des assurés ayant perçu des acomptes sont désormais complètement régularisés. Ce chiffre évolue quotidiennement puisqu’elles versent des acomptes tous les jours, afin de garantir un soutien financier aux assurés touchés par les retards de paiement, en attendant la régularisation complète de leur dossier".
"Chaque semaine, de nouveaux correctifs informatiques sont déployés afin de débloquer au plus vite les dossiers concernés", poursuit le porte-parole.
Les agents, en première ligne, n'ont pas grand-chose à proposer aux assurés en souffrance, à part leur conseiller de se faire aider ponctuellement par leurs familles, le temps que le problème soit résolu.
"Moi, j'ai déjà eu une personne qui a menacé de se suicider"
Cette situation provoque d'ailleurs un grand malaise chez ces agents. La CGT et la CFDT de la CPAM de Loire-Atlantique ont ainsi lancé des mobilisations face à une situation "qui n'avance pas".
"L'accueil physique vis-à-vis des assurés, en détresse financière et sociale, ça nous impacte. On a des discours qui sont très difficiles à entendre", témoigne auprès de France Bleu un agent.
"Moi, j'ai déjà eu une personne qui a menacé de se suicider. On en a qui disent qu'ils ne peuvent pas manger, ni payer leur loyer à cause de nous. Et c'est difficile, car on nous demande des choses que l'on n'obtient pas. On aimerait les aider, on est solidaire avec eux, on sait ce que c'est. On fait vraiment au mieux pour pouvoir répondre, mais c'est très compliqué", regrette-t-il.
De nouveaux rassemblements sont prévus, notamment devant la caisse de Saint-Nazaire vendredi.