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Fin de l'argent liquide voulue par Gérald Darmanin: ces pays où le cash a déjà quasiment disparu

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En Europe du Nord, la très grande majorité des achats se fait par carte, smartphone, SMS. Mais les risques qui pèsent sur les infrastructures numériques incitent ces pays à ne pas complètement abandonner les espèces.

C'est une proposition qui fait beaucoup parler. Pour lutter contre le trafic de drogue, Gérald Darmanin, le ministre de la Justice, plaide pour la fin des espèces. "Une grande partie de la fraude de la délinquance du quotidien, même des réseaux criminels, sont des fraudes d'argent liquide", a-t-il déclaré ce jeudi 22 mai lors d'une audition devant la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance financière.

"Je l’ai dit à plusieurs reprises à ceux qui m’interrogent pour savoir comment on arrête la drogue dans nos quartiers. Une mesure assez simple: la fin de l'argent liquide empêchera les points de deal", estime le Garde des Sceaux.

"Une fois que l'argent est traçable comme le sont parfois et souvent les cryptoactifs, c'est plus compliqué pour le consommateur comme le revendeur de pouvoir échapper à un circuit de financement".

La disparition progressive de l'argent liquide est une réalité dans de nombreux pays. Non pas suite à une décision politique mais tout simplement par choix des consommateurs qui optent de plus en plus pour les paiements par carte ou par smartphone.

Au Danemark, seulement 8% des transactions en cash

Selon une récente enquête menée par le cabinet de conseil en management et en technologies BearingPoint dans neuf pays européens, le recours aux espèces ne se fait que dans 28% des cas en Suède (donc moins de 3 achats sur 10 se fait en cash) et 35% en Norvège.

"Dans l’ensemble, l’enquête révèle que la fréquence d’utilisation des espèces a diminué dans presque tous les pays étudiés par rapport à l’année précédente", peut-on lire.

En France, la bascule n'est pas loin avec 51% des achats réalisés en espèces, tout comme en Suisse avec 57%.

Une autre étude de la banque nationale danoise estime à 8% seulement les transactions en espèces (en 2023).

Plus globalement, une étude réalisée en 2023 par la BCE, la Banque centrale européenne, a montré que 59% des transactions ont été effectuées en espèces en 2022, contre 72% en 2019.

Conséquence de cette tendance lourde, les distributeurs de billets disparaissent du paysage. Selon Finansplassen, un site d'information financière norvégien, leur nombre y est l'un des plus faibles d'Europe.

Pour autant, de là à envisager la disparition totale du cash, il y a un pas. Panne informatique, panne électrique, catastrophe climatique, guerre... sont autant de facteurs qui incitent les pays nordiques à ne pas passer le Rubicon, c'est-à-dire acter la fin de l'argent liquide.

"La société en a encore besoin"

En 2016, la plus grande banque norvégienne a appelé à cesser d'utiliser l'argent liquide parce qu'elle était préoccupée par des activités illégales telles que le blanchiment d'argent.

Mais plus récemment, le Parlement du pays a pris des mesures pour freiner cet objectif et inciter les citoyens à revenir à l'argent liquide, notamment un amendement qui oblige les commerces à accepter le paiement en espèces dans tous les cas.

"Dans un monde numérique, il peut être facile d'oublier qu'un grand nombre de personnes ne le sont pas", expliquait Emilie Enger Mehl, ministre norvégienne de la justice et des situations d'urgence.

La protection civile norvégienne recommande ainsi à la population de conserver de l'argent liquide en raison de la vulnérabilité des systèmes de paiement numériques aux attaques numériques.

"Le monde qui nous entoure est de plus en plus troublé par la guerre, les menaces numériques et le changement climatique. Nous devons nous préparer à des coupures de courant de longue durée, à des pannes de système ou à des attaques numériques qui entraîneraient la défaillance des solutions de paiement numérique", justifie Emilie Enger Mehl.

Se préparer aux "crises et aux guerres"

Cette position est partagée au Danemark: "bien que l'utilisation de l'argent liquide soit en baisse, la société en a encore besoin", a ainsi déclaré Christian Kettel Thomsen, gouverneur de la Banque nationale du Danemark.

Ou encore en Suède où le ministère de la Défense conseille dans une brochure d'utiliser régulièrement des espèces et d'en avoir une réserve à la maison afin d'être préparés aux "crises et à la guerre".

"L'efficacité est importante, mais il est plus important encore que chacun puisse continuer à payer en cas de crise", ajoute la banque centrale du pays.

Dans d'autres pays, les espèces règnent encore en maître comme Allemagne et en Autriche, représentant respectivement 69% et 73% des transactions.

Outre-Rhin, la Banque fédérale rappelle qu'en cas de crise, "une infrastructure intacte pour l'approvisionnement en espèces doit être disponible".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business