Bouteilles de champagne, iPhone, montres de luxe... 8 pharmaciens marseillais condamnés pour avoir reçu des cadeaux des laboratoires Urgo (et 40% de la profession serait concernée)

Sur la seule Ile-de-France, vingt fermetures de pharmacies ont été enregistrées depuis le début de l'année. (Photo d'illustration) - AFP
Huit pharmaciens ont été condamnés ce lundi à Marseille à des peines d'amendes pour avoir accepté des avantages fournis par les laboratoires Urgo, en violation de la loi dite "anti-cadeaux". Les amendes prononcées varient selon le montant des avantages perçus et s'échelonnent de 6.000 euros, dont 2.000 euros avec sursis, à 50.000 euros, dont 30.000 euros avec sursis.
Une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) avait mis au jour qu'Urgo, en échange d'un renoncement à des remises par les officines, a offert, entre 2015 et 2021, 76.000 objets à plus de 8.500 pharmaciens, soit 40% de la profession.
Le montant des cadeaux s'élève à 55 millions d'euros: mobilier de marque, iPhone, téléviseur incurvé, vélos électriques, montres de luxe, bouteilles de champagne, coffrets Relais & Châteaux pour des week-ends...
"Un jour, un commercial m'a sorti un catalogue sur papier glacé" montrant les objets offerts selon un système de points cumulés, a raconté au tribunal un pharmacien des quartiers Nord, qui a reconnu "beaucoup naïveté" et s'être "fait embarquer dans le système" en recevant pour 50.000 euros de cadeaux.
"Face à mes doutes, le commercial m'a regardé dans les yeux en me disant: 'vous croyez qu'Urgo ferait des choses illégales?!'".
"Pratique élaborée"
Urgo avait été condamné en 2023 à Dijon à une amende de plus de 1,1 million d'euros, dont 625.000 euros avec sursis et à la confiscation de plus de 5,4 millions d'euros. Après cette condamnation, chaque parquet a dû traiter les cas des pharmaciens de son ressort, poursuivis pour "perception par un professionnel de santé d'avantages procurés par une personne commercialisant des produits sanitaires".
Au parquet de Marseille, 215 pharmaciens sont concernés et une trentaine sont poursuivis devant le tribunal correctionnel pour des cadeaux d'un montant supérieur à 20.000 euros, a expliqué la procureure Marion Chabot. Les autres bénéficient d'autres voies de poursuites: avertissement, composition pénale, plaider coupable. Cette loi anti-cadeaux c'est un système anti-corruption", a expliqué la magistrate.
Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile, a réclamé un euro symbolique de dommages et intérêts. "Quand 40% d'une profession sort des rails de la légalité, cela veut dire que ce n'est pas une fraude mais une pratique élaborée qui amène à s'aveugler par certains phénomènes d'aubaine", a plaidé Me Frédéric Georges, l'un des avocats des pharmaciens.
Selon la défense, les décisions sont très disparates selon les tribunaux: dispense de peine à Avignon, amende d'un montant de 40% des avantages perçus à Bordeaux, amende de 1.000 euros avec sursis à Amiens. Au Havre, l'ex-ministre de la Santé Agnès Firmin Le Bodo, pharmacienne de profession, avait, elle, été condamnée fin 2024 à une amende de 8.000 euros dont 4.000 avec sursis.