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Finances publiques

"Ils sont contradictoires": pour Pierre Moscovici, les Français sont "prêts à faire un effort (budgétaire) collectif" mais pas forcément "individuel"

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Le premier président de la Cour des comptes a salué le plan budgétaire de François Bayrou. Il s'interroge en revanche sur la nécessité de supprimer deux jours fériés et appelle plutôt à des "réformes structurelles" pour éviter "l'austérité subie".

"Il est temps": Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes salue le plan budgétaire de François Bayrou. "Un effort est nécessaire, d’où l’expression du Premier ministre 'le moment de vérité', que je reprends à mon propre compte", a-t-il déclaré dans une interview au Parisien.

Interrogé sur l'acceptabilité de ce plan par la population, Pierre Moscovici estime que "les Français sont contradictoires". "Ils sont désormais préoccupés par le surendettement français", assure le haut fonctionnaire.

"Mais s’ils sont prêts à faire un effort collectif, ils ne le sont pas forcément à consentir un effort individuel."

"Ces deux jours fériés travaillés sont-ils indispensables?"

Le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici "ne croi(t) pas que la France soit menacée de mise sous tutelle" par le FMI, mais il exhorte à réaliser des "réformes structurelles" pour éviter "l'austérité subie demain".

"La France n'est pas la Grèce de 2009-2020! Je ne crois pas nécessaire de faire peur avec la menace du FMI", estime-t-il. Ces dangers sont, selon lui, "l'étranglement de l'action publique par l'excès de la charge de la dette" et "la dégradation de nos conditions de financement sur les marchés".

"Ce qui compte, ce sont les réformes structurelles. C'est toute la différence entre l'austérité et le sérieux: la France a le choix entre un effort volontaire maintenant et l'austérité subie demain", dit-il.

Il s'est également interrogé sur la pertinence de supprimer deux jours fériés, renvoyant la question au débat public.

"Ces deux jours fériés travaillés sont-ils indispensables pour boucler la réduction du déficit? Après, c’est un grand débat sociétal qui aura lieu sans aucun doute."

L'année blanche, "un one shot"

Pour Pierre Moscovici, "quelle que soit la composition des mesures" qui seront finalement retenues, il faudra arriver à 44 milliards d'euros d'économies, "car le paiement des intérêts de la dette est la dépense publique la plus bête de toutes".

"Nous consacrons chaque année 67 milliards d'euros d'intérêts au remboursement de cette dette", qui pourrait atteindre 3.500 milliards d'euros en fin d'année, selon le président de la Cour des comptes. "C'était une petite trentaine (de milliards) en 2021, et cela sera peut-être 100 milliards d'euros avant la fin de la décennie. Cela ne peut pas continuer comme cela", estime-t-il.

Les efforts sont donc nécessaires mais doivent être partagés équitablement selon lui. Sur "l'année blanche", le président de la Cour des comptes a des doutes. "C’est sans doute efficace financièrement. Mais il faudra vérifier que cela ne pèse pas davantage sur les revenus du bas de l’échelle", explique-t-il.

"Et, surtout, on peut le faire une fois mais pas tous les ans : c’est ce qu’on appelle un 'one shot'."

"Un impact sur la consommation, l’investissement et in fine sur la croissance"

"Il faut que les Français soient conscients que nous aurons chaque année, durant quatre ou cinq ans, des choix difficiles à faire, donc des réformes pérennes, jusqu’à ce que l’on arrive à 2,8 % de déficit. Ce n’est que là que nous parviendrons à retrouver des marges de manœuvre", a-t-il assuré. Mais dans le même temps, ces économies ne seront pas indolores pour l'économie française.

"Des mesures de 44 milliards d’euros auront nécessairement un impact sur la consommation, l’investissement et in fine sur la croissance", prévient Pierre Moscovici.

"Mais en fonction des choix qui seront faits, l’effet économique peut être plus ou moins grand", nuance-t-il.

François Bayrou a présenté mardi une cure budgétaire de 43,8 milliards d'euros pour 2026, avec la suppression de deux jours fériés et le gel des prestations sociales et des retraites, immédiatement décriée par les oppositions qui menacent de censure au Parlement. Le Premier ministre a indiqué samedi se donner "deux mois" pour mettre un point final à ce plan.

Marine Cardot avec AFP