Certaine d'être "en bonne position", la BCE ne bronchera pas malgré les menaces de Donald Trump

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), arrive pour présenter le rapport annuel 2024 de la banque au Parlement européen, à Strasbourg, dans l'est de la France, le 10 février 2025. - FREDERICK FLORIN / AFP
La Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir ses taux inchangés ce jeudi 24 juillet, après sept baisses consécutives, malgré la menace du président Trump d'imposer une lourde surtaxe sur les importations en provenance de l'Union européenne, estiment les observateurs.
Depuis la mi-juin, son principal taux -de rémunération des dépôts- se sitiue à 2%.
Christine Lagarde, présidente de l'institution, avait prévenu en juin que la BCE était arrivée "à la fin d'un cycle de politique monétaire ", après avoir dû contrer les chocs successifs du Covid-19, de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique, qui avaient alimenté une forte poussée inflationniste.
Ce cycle avait vu les gardiens de l'euro augmenter drastiquement les taux d'intérêt pendant deux ans pour contenir les hausses de prix avant de relâcher la bride depuis juin 2024 pour accompagner la stabilisation de l'inflation.
L'inflation a très légèrement progressé en juin dans la zone euro, à 2% sur un an, après 1,9% en mai, mais reste en ligne avec l'objectif de la BCE.
Assouplissement en pause
Christine Lagarde a répété à plusieurs reprises que la BCE est "en bonne position" pour affronter les incertitudes économiques, notamment celles liées aux droits de douane, autre indication que l'institution devrait décider jeudi d'une pause dans le cycle d'assouplissement monétaire.
L'influent directeur de la banque centrale allemande, Joachim Nagel, a clairement plaidé pour le statu quo en vue de "réévaluer" la situation lors de la réunion de septembre.
En ligne de mire : l'incertitude persistante dans le conflit commercial avec les Etats-Unis et à son effet incertain sur les prix.
Une nouvelle étape a été franchie le 13 juillet, lorsque le président américain a menacé d'appliquer dès le 1er août une taxe de base de 30% sur les exportations européennes - un tarif qui pourrait encore augmenter en cas de mesures de rétorsion de l'UE.
Ce taux massue dépasse de loin les scénarios les plus extrêmes qu'a établis la BCE pour tenter d'affiner ses prévisions économiques pour la zone euro.
Croissance très fragile
Selon l'économiste de Berenberg Salomon Fiedler, une guerre commerciale "pèserait sur une croissance encore fragile et pourrait retarder la reprise au-delà de 2025". L'incertitude actuelle freine déjà les investissements et complique les décisions des entreprises.
Et l'impact se ferait aussi sentir aux Etats-Unis où "des taxes de 30% sur les exportations européennes feraient grimper l'inflation des consommateurs américains d'environ 0,3 point", compliquant d'autant la tâche de la Réserve fédérale pour abaisser ses taux.
En juin, la BCE avait bâti ses projections économiques sur l'hypothèse de droits de douane américains limités à 10% sur les exportations européennes. Un accord commercial reste toutefois possible d'ici début août, ce qui pourrait désamorcer la crise.
Autre évolution à surveiller pour les gardiens de l'euro : l'envolée de l'euro par rapport au dollar. La monnaie commune s'est sensiblement appréciée entre avril, lorsque Donald Trump a lancé la guerre commerciale, et fin juin, passant de 1,08 à 1,18 dollar pour un euro.
Pour les exportations, un euro fort rend les produits européens plus chers à l'étranger, donc moins compétitifs à la vente.
A l'inverse, cela fait baisser le coût des importations, notamment d'énergie, ce qui peut freiner l'inflation en zone euro.
"Les taux de change actuels, s'ils se maintiennent, signifieraient que les prévisions d'inflation de la BCE pour cette année et l'année prochaine seraient légèrement inférieures à celles anticipées en juin", commente Carsten Brzeski, chez ING, plaidant pour une baisse de taux en septembre.
D'où l'urgence d'attendre, estiment plusieurs membres du Conseil des gouverneurs de la BCE.