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628 millions d'euros de fraudes détectées: l'Assurance maladie veut aller plus loin avec une nouvelle mesure (qui fait grincer des dents le Conseil constitutionnel)

Pour renforcer la lutte contre la fraude, l'Assurance maladie soutient le partage d'informations avec les organismes complémentaires, pourtant retoqué par le Conseil constitutionnel

Pour renforcer la lutte contre la fraude, l'Assurance maladie soutient le partage d'informations avec les organismes complémentaires, pourtant retoqué par le Conseil constitutionnel - Philippe Huguen - AFP

Dans un rapport destiné à éclairer les pouvoirs publics et les parlementaires en vue du prochain budget de la Sécu pour 2026, l'Assurance maladie plaide pour une meilleure coopération avec les organismes complémentaires pour lutter contre la fraude.

Davantage de coopération avec les complémentaires santé, voilà une des propositions choc de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam) pour renforcer la lutte contre la fraude au système de santé. Loin d'être nouvelle, l'idée figure dans son rapport "charges et produits" présenté mardi 24 juin. Destiné à éclairer les pouvoirs publics et les parlementaires en vue du prochain budget de la Sécu pour 2026, ce document long de 247 pages ressort des cartons une mesure qui avait pourtant été censurée de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025.

Il s'agit de développer les échanges d'informations entre les caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM) et les organismes complémentaires "afin de rendre la lutte contre les fraudes encore plus performante", soutient la Cnam. "S’ils seront utiles vis-à-vis des assurés, ces échanges ont un intérêt évident vis-à-vis des professionnels de santé, afin de pouvoir stopper rapidement des remboursements injustifiés", instite-t-elle.

Problème, cette mesure a été jugée comme cavalier social par le Conseil constitutionnel, considérant qu'elle n'avait pas sa place dans un texte budgétaire.

"Pourtant cet article devait permettre de générer des économies, avec donc un objectif financier", souligne le député Modem Cyrille Isaac-Sibille dans les colonnes du journal l'Opinion ce vendredi 27 juin.

Une proposition de loi à l'étude

L'élu du Rhône a d'ailleurs déposé une proposition de loi le 13 mai dernier à l'Assemblée nationale, visant à faciliter (enfin) les échanges entre les CPAM et les complémentaires santé. Dans son état actuel, le texte, qui pourrait être examiné cet automne, prévoit d'abord "que les caisses d’assurance maladie communiquent, en cas de dépôt de plainte pour fraude, le nom et les coordonnées des organismes complémentaires affectés par cette fraude au procureur de la République".

Dans un souci de respect du secret médical, il est aussi précisé que "seules les informations strictement nécessaires à l’identification de l’auteur des faits de fraude suspectés pourront être communiquées par l’assurance maladie à la complémentaire santé".

Si l'initiative du parlementaire est bien accueillie par les organismes complémentaires, les trois fédérations du secteur - la Mutualité Française, France Assureurs et le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) - attendent quand même une "disposition législative indispensable qui permet de conforter le traitement des données de santé par les organismes complémentaires d'assurance-maladie dans le cadre de leur mission de lutte contre la fraude", indique à BFM Business Laure-Marie Issanchou, directrice santé de la Fédération de la mutualité française (FNMF).

628 millions d'euros de fraudes détectées et stoppées en 2024

D'après les chiffres de l'Assurance maladie, pas moins de 628 millions d'euros de fraudes ont été détecté et stoppé en 2024. "Un résultat record en matière de préjudice financier" selon la Cnam, puisqu'il est en hausse de plus d'un tiers par rapport à 2023 (+34%).

"Plus de la moitié des fraudes détectées est commise par des assurés, pour seulement 18% des montants, détaille la Cnam. Les fraudes commises par les professionnels de santé quant à elles représentent près de 26% des fraudes en nombre, mais pour des montants bien plus élevés, soit 62% du préjudice".

Caroline Robin