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Des fonds activistes poussent Richemont à un mariage avec Kering

Le groupe suisse Richemont possède notamment le bijoutier Cartier.

Le groupe suisse Richemont possède notamment le bijoutier Cartier. - Richard JUILLIART-AFP

Les fonds Third Point et Artisan Partners sont entrés au capital du groupe suisse, propriétaire de Cartier. Ils cherchent à faire sauter les verrous de sa gouvernance. Avec, comme objectif final, un possible mariage avec le groupe français.

Les loups sont dans la bergerie. Plusieurs fonds activistes sont entrés au capital du groupe de luxe suisse Richemont, connu pour ses marques Cartier et Van Cleef & Arpels. Third Point, l’un des fonds les plus agressifs au monde, vient de prendre une participation de 2 à 3%, expliquent plusieurs sources proches du dossier à BFM Business, confirmant une information du média spécialisé Miss Tweed.

Selon une source, Third Point serait le "chef de file" d’un groupe de plusieurs actionnaires financiers, décidés à bousculer Richemont. Un autre fonds activiste, Artisan Partners, est aussi dans le jeu, détenant un peu plus de 1,2 % du capital.

"Artisan avait soutenu Third Point lors de sa campagne contre Nestlé", explique un bon connaisseur du dossier. Le fonds américain n’en est pas à sa première offensive sur des poids lourds. Après EssilorLuxottica, Nestlé, Vivendi, il est aujourd’hui aux prises avec Shell à qui il demande une scission.

Selon plusieurs sources, l’objectif de Third Point est clair: "déverrouiller la gouvernance de Richemont pour le pousser à un mariage avec Kering".

Une lutte à venir entre les fonds et Johann Rupert?

Le groupe suisse est présidé depuis vingt ans par Johann Rupert, 70 ans, qui concentre beaucoup de pouvoirs. Il détient 10% du capital mais, grâce à des droits de vote multiples, contrôle 51% des votes.

"Johann Rupert verrouille Richemont comme c’était le cas d’Arnaud Lagardère dans son groupe, compare une source. L’idée de Third Point est de faire sauter ce verrou, comme Amber a fait sauter la commandite chez Lagardère".

Les investisseurs critiquent l’emprise du président de Richemont sur son conseil d’administration pléthorique, composé de vingt membres, tous proches de lui. Et un comité exécutif qui, à l’inverse, n’aurait pas assez de pouvoir. "Johann Rupert entretient les guerres de clans pour mieux régner", décrypte un bon connaisseur du groupe. Ils insistent aussi sur l’absence de plan pour sa succession, malgré son âge, et alors que son fils, Anton Rupert, ne semble pas disposé à prendre la suite.

Third Point et Artisan Partner cherchent évidemment à faire monter le cours de Bourse de Richemont. Ils jugent qu’il n’a pas autant progressé que ceux de ses concurrents, comme les français LVMH et Kering, en raison de sa gouvernance. Ils ciblent aussi les mauvaises performances de ses activités de ventes en ligne, notamment pendant la pandémie. Sa filiale de e-commerce Yoox Net-a-Porter accumule les pertes et les changements de direction depuis plusieurs années.

"Third Point va demander à Richemont de présenter une stratégie claire et précise pour redresser son cours de Bourse, explique un bon connaisseur du dossier. Et proposera inévitablement un mariage avec Kering".

L’idée d’une alliance entre les deux groupes de luxe n’est pas nouvelle. Le marché en rêve depuis plusieurs années car ils sont complémentaires. La mode est le point fort du Français et les montres et les bijoux sont celui de Richemont. Chacun dispose d’une marque très forte: Gucci pour le groupe de François-Henri Pinault et Cartier pour celui de Johann Rupert.

Une première approche en début d'année

Selon nos informations, Kering a bien approché Richemont en début d’année, comme l’écrivait déjà l’époque la lettre spécialisée Miss Tweed. "Mais Rupert n’est pas vendeur", nous expliquait alors un proche de Kering. "J’ai de bonnes relations avec les Pinault ", s’était contenté de répondre le patron de Richemont quelques mois plus tard, balayant l’idée d’une fusion avec le Français.

Les investisseurs poussent d’autant plus que Kering et Richemont ont un rival en commun: LVMH. Depuis le rachat de Tiffany, leur alliance fait encore plus de sens pour ne pas laisser l’écart se creuser avec le groupe de Bernard Arnault qui pèse 350 milliards d’euros, quatre fois plus que Richemont ou Kering. Ensemble, les deux groupes pèseraient 150 milliards d’euros en Bourse.

Les fonds activistes parient d’autant plus sur ce schéma que Johann Rupert souhaite conserver ses parts. Et que Kering n’a pas les moyens de racheter Richemont tout en cash.

"Une fusion par échange d’actions permettrait de contenter les deux groupes, abonde une source proche du dossier. Mais la clé est de déterminer combien valent les parts de Johann Rupert alors qu’il contrôle 51% des votes mais seulement 10% du capital", ajoute cette source.

Dans le cadre d’une fusion entre égaux, il pèserait moins que la famille Pinault qui détient encore 41% de Kering.

L’issue de cette campagne d’activistes est incertaine et un mariage avec Kering encore plus. Mais en ciblant la gouvernance de Richemont, Third Point et Artisan Partners ont trouvé un angle d’attaque qui peut profiter à Kering.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business