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ÉDITO. Déficit français: c’est l’Europe qu’on assassine

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L'ancien président de la BCE, Mario Draghi, a rendu un rapport alarmant sur l'avenir économique de l'Europe. Sans nouveau plan de relance, le Vieux continent risque de disparaître de la carte. Mais la situation financière de la France est un obstacle majeur à sa réalisation.

Mario Draghi a rendu lundi un rapport explosif sur la compétitivité de l’Europe. Un wake up call qu’il faut entendre.

Son message est clair, le Vieux continent est à la croisée des chemins: c’est le sursaut ou la mort !

"Pour la première fois depuis la guerre froide, (l'Union européenne) doit réellement craindre pour sa survie", prévient l'ancien patron de la BCE.
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Le constat est lucide, froid. Les données consignées tout au long des 400 pages du rapport sautent à la figure.

Depuis 50 ans, la croissance européenne est systématiquement inférieure à celle des Etats-Unis et du Japon. L’écart de productivité avec les États-Unis atteint aujourd'hui 70%. Un Américain est en moyenne deux fois plus riche qu’un Européen. En 5 ans quand l’Union européenne a produit 13.000 textes législatifs, les États-Unis eux se seulement 3 000.

Aucune entreprise européenne de moins de 50 ans ne dépasse les 100 milliards d’euros de capitalisation. Six entreprises américaines dépassent les 1.000 milliards.

Et d'autres encore, on ne peut pas tout citer ici.

Si l’on veut sortir de cette spirale du déclin et ne pas disparaître de la carte, écrasés par la Chine et les États-Unis, un changement radical est indispensable.

Trois solutions principales pour inverser la tendance: investir, investir et investir. De 750 à 800 milliards d'euros par an, préconise Mario Draghi, dans l'industrie, dans la décarbonation, dans la R&D, dans l'intelligence artificielle ... Bref, l'équivalent d'un nouveau plan de relance. Une solution immédiatement rejetée par les libéraux allemands.

En même temps, on les comprend. Alors que la Cour des comptes européenne vient de tirer la sonnette d'alarme sur les lenteurs et les gaspillages du premier plan de relance post-Covid, qui accepterait de se lancer dans un nouveau plan d’endettement... avec un associé déjà surendetté comme la France?

Un partenaire qui profite de la "colocation" de l’euro pour faire la bamboche budgétaire “quoi qu’il en coûte”, quand de votre côté, vous payez une attention particulière aux factures de gaz et d’électricité pour tenir votre budget?

Un laxisme budgétaire doublement coupable

C’est là que le laxisme budgétaire d’Emmanuel Macron est doublement coupable.

D’abord pour les Français qui régleront bientôt la facture du “quoi qu’il en coûte” par de substantielles hausses d’impôts.

Mais aussi -et de manière peut-être plus grave encore– pour la construction européenne. Car c’est tout l’agenda européen qui est aujourd’hui suspendu à la résolution de l’équation française.

Une brèche avait pourtant été ouverte avec le premier plan de relance européen. On parlait alors "biens publics européens", doublement du budget européen, capacité d’emprunt propre, financement dans la défense, dans l’énergie, dans l’industrie...

C’est toute cette ambition européenne que l’abandon budgétaire français menace. Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes pour l’auteur du discours de la Sorbonne.

Emmanuel Macron se veut le premier défenseur de "l’Europe puissance". Du fait de sa mauvaise gestion financière, il sera peut-être son premier fossoyeur.

Raphaël Legendre