Coronavirus: pourquoi le gouvernement ne publie pas une liste des salariés qui doivent travailler

- - Philippe Huguen- AFP
Face à l’explosion des mises en chômage partiel et des recours au droit de retrait, le gouvernement s’inquiète. Jeudi, Emmanuel Macron appelait les salariés et les entreprises à continuer leur activité autant que possible. La veille, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire expliquait que la grande distribution et les transports commençaient à manquer de bras, parce que leurs salariés recourent au droit de retrait pour refuser de se rendre sur leur lieu de travail.
Ces déclarations peuvent paraître contradictoires avec le décret de confinement. Ce dernier prévoit en effet la réduction des trajets entre domicile et travail et des déplacements professionnels dès lors qu’ils peuvent être différés. D’où une question que partagent de nombreux salariés sur les réseaux sociaux: le gouvernement ne pourrait-il pas tout simplement publier une liste des professionnels indispensables, et de ceux qui peuvent s’arrêter?
“D’un point de vue pratique, lister tous les métiers serait très compliqué”, souligne Claire Toumieux, avocate en droit du travail et associée au cabinet Allen & Overy. Parce qu’il y en a beaucoup, avec le risque d’en oublier.
Un principe d'égalité devant la loi
En outre, si le gouvernement désignait des personnels obligés de travailler, il devrait veiller à respecter un principe constitutionnel français: celui de l’égalité de chaque citoyen devant la loi.
“Bien sûr, des différences légitimes sont admises, et la protection de la santé du salarié plus ou moins assurée dans une profession plutôt qu’une autre peut constituer une différence légitime”, admet Maître Toumieux. Mais cela suppose que l’exécutif puisse “justifier que tel métier est plus à risque du point de vue de la santé qu’un autre, ou moins nécessaire à la satisfaction des besoins essentiels dans le contexte actuel". Et donc, s’agissant du risque sanitaire, qu’il connaisse les conditions de travail de chacun.
Le gouvernement aura beaucoup plus de marges de manoeuvre en la matière lorsque son projet de loi d'urgence présenté mercredi en conseil des ministres sera votée par les parlementaires. Ce texte, qui a commencé à être examiné ce vendredi par les députés, prévoit que le Premier ministre puisse légiférer par ordonnance “aux seules fins de garantir la santé des citoyens”. Il pourrait donc donner “un cadre législatif au gouvernement pour préciser davantage qui doit travailler ou non par le biais de décrets”, indique Maître Toumieux.
Pour autant, il restera difficile de lister des professions plus protégées que d'autres. Parce que ce qui fait la différence, ce sont les conditions de travail. Une caissière équipée de masques, gants et panneau de séparation entre la caisse et les clients ne prend pas les mêmes risques qu’une autre dont l’entreprise n’aurait pris aucune mesure sanitaire.