Quand les vacances virent au cauchemar: comment obtenir gain de cause auprès d'Abritel, Ouicar...

- - Capture d'écran Abritel
Pour cet été, vous avez réservé un logement ou une voiture auprès de particuliers via des plateformes d’intermédiation, alléchés par leurs prix mini. Mais au moindre problème, la note de vos vacances peut exploser, tandis que le metteur en relation entre vous et le loueur -Airbnb, Abritel, Ouicar, Getaround (ex-Drivy) ou autres- peut faire valoir qu'il n'est légalement pas responsable. Néanmoins, il existe des moyens d'obtenir un peu plus d'implication de la part de ces plateformes. Explications:
> Quels problèmes se rencontrent le plus souvent?
Concernant l’intermédiation des plateformes dans le tourisme, le principal problème dont se plaignent les consommateurs à l’UFC-Que Choisir concerne “une description biaisée du logement ou de la voiture, un bien survalorisé dans l’annonce, avec différents degrés de gravité”, explique Raphaël Bartlome, directeur juridique de l’association de consommateurs.
C’est par exemple une localisation mensongère du bien, des équipements comme un lave-vaisselle pour une maison, ou une galerie pour une voiture, qui se révèlent inutilisables, un véhicule qui n'a clairement pas passé le contrôle technique ou encore un “détail caché qui change tout, comme une autoroute ou une décharge juste à côté du logement”, détaille le défenseur des consommateurs.
Deuxième écueil rencontré par les usagers de ces plateformes, et le pire de tous pour Raphaël Bartlome: "le logement qui n’existe pas. Vous arrivez sur le lieu de votre hébergement, et il n’y a qu'un terrain vide". Selon le juriste, "sur 95% des plateformes de mise en relation, il n’y a pas de vérification préalable des annonces". Ainsi, "un petit 5% des locations qui y sont proposées sont des arnaques".
Cela représente donc peu de cas, mais qui font des vacances un cauchemar pour ceux coincés sur place, parfois avec des enfants, après avoir fait la route. Et la plateforme n’est généralement ni tenue de trouver une solution de repli, ni de rembourser.
> De quoi les plateformes sont-elles légalement responsables?
A l’heure actuelle, en France, "les plateformes mettant en relation plusieurs parties en vue de l’échange d’un bien" ont une seule obligation vis-à-vis des consommateurs: les informer correctement. Notamment de leurs politiques d’annulation et des garanties plus ou moins rassurantes qu’elles offrent. Du coup, chacune fixe ses propres règles via ses conditions générales d’utilisation - "qu'il faut lire", martèlent nos interlocuteurs- et ce qui est pris en charge varie de l’une à l’autre.
Gîtes de France, par exemple, est particulièrement protecteur. "Leur cahier des charges impose au propriétaire de ne pas s’éloigner à plus de 15 kilomètres pour aider le locataire en cas de problème, il précise même le nombre de couverts à mettre dans l’hébergement", souligne le directeur juridique de l’UFC-Que Choisir. D’autres, comme "Abritel-HomeAway qui pose beaucoup de problèmes", se considèrent comme "un simple journal de petites annonces".
Cette responsabilité légale minimum des plateformes fait que peu d’utilisateurs vont au procès dans l’espoir de faire évoluer la jurisprudence. Dans le total des demandes enregistrées sur le site Litige.fr, qui propose des recours en justice simplifiés aux particuliers, le tourisme ne représente que “5 à 7% des 250.000 affaires qu’on traite par an, et là-dedans, un micro-pourcentage concerne les plateformes”, illustre Yoni Ohana, fondateur de Litige.fr.
Ces renoncements à poursuivre désolent le directeur juridique de l’UFC: "C’est justement parce que les plateformes savent que sur 100 clients lésés, seuls 2 ou 3 vont persévérer et seront dédommagés qu’elles ne sont pas plus rigoureuses”, déplore-t-il.
> Quels recours autres que le procès ?
Même sans y être légalement obligées, les plateformes décident parfois de dédommager généreusement les clients floués via leur site. C'est par exemple ce qu'a fait Booking avec de jeunes Français qui, l’été dernier, pensaient avoir loué une villa de rêve en Croatie, et se sont retrouvés devant un terrain vague.
Après quelques articles sur leur mésaventure, Booking leur a non seulement remboursé les 6000 euros de la location, mais aussi payé l'hôtel pour le reste du séjour et ajouté un dédommagement. Pourtant dans un premier temps, “les plateformes comme Booking cherchent à rejeter la responsabilité sur l’auteur de l'annonce. Mais lorsqu’ils prennent conscience de l’enjeu pour leur image, ils cèdent”, raconte Yoni Ohana.
“C’est cela le grand moyen de pression des consommateurs: raconter sa déconvenue sur Facebook, Twitter, laisser des avis sur Trustpilot ou Yelp. Là, les plateformes vont réagir plus vite, trouver un terrain d’entente, et mettre leurs conditions générales de côté”, continue le fondateur de Litige.com.
Partager ses mauvaises expériences, à travers des posts en ligne permet en outre “de dater les premiers signalements, et donc de pouvoir éventuellement prouver que la plateforme a laissé publiée, ou re-publier, une annonce qu’elle savait frauduleuse. Or dans ce cas, elle peut être jugée complice de l’arnaque”, précise Raphaël Bartlome de l’UFC. Ainsi “si les trois premières victimes laissent des traces, la quatrième pourra peut-être obtenir quelque chose”.
Et pas besoin d’avoir 600.000 followers pour peser, assure Franck Bonot, co-animateur du réseau Sharers & Workers, et co-auteur “Désubériser: reprendre le contrôle” (Faubourg).“Dès lors que l'on poste son histoire sur les réseaux sociaux, elle peut être reprise et devenir virale”. Reste que de son côté, il conseille surtout de se tourner vers les associations de consommateurs, “qui peuvent elles aussi miser sur l’effet de masse et, sans aller en justice, envoyer le bon courrier à la bonne personne susceptible de régler rapidement votre problème”.
