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Le casse-tête du recyclage des pots de yaourt

Le polystyrène particulier qu’utilisent les industriels des produits laitiers pour leurs pots de yaourt est très difficilement recyclé et recyclable. Pour autant, Danone et ses concurrents n’envisagent pas de changer de matériau. Voici pourquoi.

16 milliards de pots de yaourts et autres produits laitiers sont consommés chaque année en France. Problème: une fois leur contenu avalé, ils finissent la plupart du temps incinérés ou enfouis, une toute petite part étant effectivement recyclés. Pour autant, les industriels du secteur n’envisagent pas de troquer le polystyrène contre un autre matériau plus facilement revalorisable.

C’est notamment ce qu’a indiqué un dirigeant de Danone le 5 avril dernier, à l’occasion de l’assemblée générale de l’organisation professionnelle des produits laitiers, rapporte L'Usine Nouvelle. Eric Janssen avançait principalement l’argument économique: adapter les chaines de production à un nouveau contenant générerait "20% de coûts supplémentaires", affirmait le directeur chez Danone.

Une friabilité à double tranchant

Comme nombre de ses concurrents, Danone préfère donc travailler à rendre le plastique qu’ils utilisent totalement inoffensif pour l’environnement. Mais là encore, le risque de surcoût existe. L'éco-contribution, une sorte de taxe des metteurs sur le marché d'emballages destinée à financer leur recyclage, risque en effet d'augmenter pour ceux qui utilisent le plastique spécifique des pots de yaourt: le polystyrène choc. Or l’industrie des produits laitiers représente 40% du marché de ces emballages.

Ce plastique spécifique est "très léger, et également cassant, ce qui permet par exemple de détacher un yaourt de son lot en le rompant", explique Véronique Fabien-Soulé, déléguée générale de Syndifrais, l’organisation professionnelle des produits laitiers. Mais ces propriétés constituent un des obstacles à son recyclage.

Lors de la collecte par exemple, les pots peuvent se casser en toute petites particules, trop petites pour être "gobées" par les machines de triages dans les usines de recyclage. Un risque d'autant plus grand que les pots de yaourt font un long trajet pour être recyclés, vers l'Espagne ou l'Allemagne, la France ne disposant pas encore d'usine de retraitement de ce plastique particulier. Une première implantation française doit voir le jour en 2020, financée notamment par Total et Saint-Gobain, et installée sur un ancien site du groupe pétrolier, Carling. 

Pour en revenir au polystyrène choc, sa friabilité pose aussi le problème, lorsque le pot de yaourt est jeté dans la nature, d’accroître la pollution des eaux marines aux microplastiques. Par ailleurs, la multiplicité des matériaux qui composent les pots de yaourt (le polystyrène donc, mais aussi du papier ou un autre plastique pour la banderole qui entoure le pot, du papier contenant ou non de l’aluminium pour l’opercule), complique encore les choses au niveau des usines de tri. 

70% des Français ne trient pas les yaourts

Dernier obstacle au recyclage: seuls 30% des Français ont actuellement le droit de mettre leurs pots de yaourt dans la poubelle jaune, ce qui garantit qu'ils seront bien recyclés. Les autres 70% doivent les jeter avec leurs ordures ménagères qui sont vouées à être incinérées. Ces 3 Français sur 10 vivent dans les régions, encore minoritaires, qui testent de nouvelles manières de recycler les polymères. Alors que la France n’a plus que trois ans pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée de 100% d’emballages plastiques recyclés en 2022. 

Et quand bien même le polystyrène choc parvient bien aux usines de retraitement, son recyclage donne un matériau de moins bonne qualité que le matériau original. Ce nouveau plastique ne peut plus être au contact d’aliment, et ses autres débouchés restent restreints: il sert à confectionner des cintres, des pots de fleurs ou des emballages dans le BTP par exemple.

Verre et carton: les fabricants n'en veulent pas

Face à ces difficultés, les industriels pourraient regarder du côté du verre, du carton, d’autres sortes de plastiques qu’on sait mieux recycler. Sauf que "avec du verre, par exemple, le bilan environnemental global ne serait pas forcément meilleur", souligne Véronique Fabien-Soulé, de Syndifrais. Car un pot un verre pèse bien plus lourd que son équivalent en plastique (80 grammes contre 4 à 5 grammes). Du coup, "il génère bien plus d’émissions de CO2 pour le fabriquer, le remplir, le transporter…", détaille-t-elle.

Le carton ne trouve pas davantage grâce à ses yeux : "C’est très marginal, il n’y a qu’un seul fabricant de pots en carton en France, utilisés pour des produits assez chers, mais ce ne serait pas possible de généraliser à la grande consommation".

L’objectif est donc de rester sur le polystyrène, mais de travailler sur plusieurs fronts pour régler le problème: au niveau de la conception des pots pour les rendre plus compatible avec les technologies de recyclage. Au niveau des usines de retraitement pour produire un nouveau polymère qui ait les mêmes qualités que l’original. Et enfin au niveau du marché des débouchés, pour l’élargir, explique Syndifrais. "Des solutions plutôt qu’une solution" qui, assurent les industriels, devraient permettre au pot de yaourt en polystyrène de ne plus poser aucun problème de recyclage. Mais pas avant trois à cinq ans.

Nina Godart