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La lettre rouge électronique est déjà en sursis

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La remplaçante du timbre rouge qui permet d'envoyer une lettre en 24 heures ne représente que 3500 envois par jour. Pour La Poste, il en faudrait le double pour pérenniser ce service.

Mal née, la lettre rouge électronique est-elle déjà morte née? La Poste tire en effet un premier bilan de la remplaçante du timbre rouge (lettre prioritaire) que l'entreprise publique a décidé d'arrêter.

Interrogé lors d'une audition devant la Commission des Affaires économiques du Sénat Philippe Wahl, le PDG de La Poste, explique que ce nouveau support est utilisé seulement 3500 fois par jour.

Un chiffre largement insuffisant puisqu'il faudrait 5000 à 10.000 envois quotidiens pour pérenniser le service.

"Aujourd'hui, cette e-lettre rouge est utilisée 3500 fois par jour, ce n'est pas beaucoup. Soit nous trouverons 5000 à 10.000 personnes par jour qui utiliseront ce service et on continuera de le maintenir, soit personne n'en voudra", signifiant que les clients "n'en ont plus besoin et on supprimera cela", a-t-il prévenu.

Utilisation compliquée

La Poste a en effet mis fin, au 1er janvier, au timbre rouge pour les lettres urgentes distribuées le lendemain pour le remplacer par une version dématérialisée appelée "lettre rouge électronique".

Problème, ce dispositif est 100% numérique, il faut se rendre sur le site laposte.fr ou dans un bureau de poste, via un automate ou avec l'aide d'un postier, pour envoyer en ligne un document qui sera imprimé à proximité du destinataire, mis sous pli et distribué le lendemain s'il a été envoyé avant 20H00.

Une approche "compliquée" de l'aveu même de Philippe Wahl et perçue par ses détracteurs comme un email qui serait payant, le service étant facturé 1,43 euro.

Mais pour l'entreprise publique, il fallait réagir face à la chute chronique du nombre de plis envoyés en général et de ceux affranchis par un timbre rouge.

Un ménage n'envoyait plus que 5 lettres à timbre rouge en 2021

"Les gens aiment la lettre rouge, (mais) ils n'en écrivent plus", explique le PDG, le nombre de lettres prioritaires est passé de 4,25 milliards en 2008 à 380 millions en 2021 et 275 millions en 2022, sur 7 milliards de lettres acheminées au total par an aujourd'hui.

Le nombre de courriers prioritaires envoyés chaque année par un ménage français est passé de 45 lettres en 2010 à 5 lettres en 2021: cette chute, plutôt qu'une désaffection des Français, s'explique surtout par l'arrivée du timbre vert en 2011 (courrier acheminé à J+2).

"Industriellement, il fallait supprimer la lettre rouge" car "les besoins devenaient tellement marginaux", poursuit le dirigeant. "J'assume, et si j'avais à reprendre la décision, je la reprendrais."

A ce rythme, "dans quatre ans, il n'y en a plus du tout", a-t-il affirmé, rappelant les économies de quelque 500 millions d'euros qui participent à "sauver le service public", et l'impact positif sur le bilan carbone de l'arrêt de ce service.

Confidentialité et sécurité

La fin du timbre rouge permettra notamment d'arrêter le transport par avion en France et d'optimiser le remplissage des camions.

Pour autant, au-delà de sa complexité, la lettre rouge pose de nombreux problèmes de confidentialité et de sécurité.

Lorsqu'il est nécessaire de se rendre dans un bureau de poste, parce que l'on ne possède pas d'ordinateur, c'est un employé de la Poste qui s'occupera de scanner le courrier et pourra donc voir votre correspondance. La Poste assure que le courrier sera scanné "devant le client" et que ses employés respecteront la confidentialité.

Une fois imprimé, le courrier sera stocké pendant un an dans les centres de données du groupe afin que l'expéditeur puisse y avoir accès en cas de réclamation. Mais on le sait, ce stockage est par définition vulnérable. La Poste se veut rassurante en évoquant des datacenters "sécurisés" et "basés en France" et assure respecter la réglementation RGPD. Mais le risque zéro n'existe pas.

Olivier Chicheportiche avec AFP