Fast-food: après la France, l'Europe travaille sur une interdiction des emballages jetables

Une révolution s'annonce dans les fast-foods. Après la France, les emballages jetables pourraient bientôt disparaître de toutes les tables en Europe. L'Union européenne planche actuellement sur une révision de son règlement sur les emballages et les déchets d'emballages (PPWR). Au programme, entre autres nombreuses mesures, l'interdiction des contenants à usage unique pour le service à table dans les hôtels, cafés et restaurants du Vieux continent. Soit la fin des gobelets en plastique, boîtes en carton et autres sachets en papier qui pourraient vivre leurs dernières heures.
La mesure concerne l'ensemble de l'hôtellerie-restauration mais, dans les faits, ce sera surtout la restauration rapide qui sera contrainte de changer ses habitudes. Car si les emballages jetables viennent à disparaître, c'est pour laisser la place à la vaisselle réutilisable. Plutôt que de tout jeter à la poubelle à la fin du repas, il faudra collecter et laver les verres, couvercles, assiettes, boîtes et couverts après avoir été servis aux clients qui consomment sur place. Une lourde conversion pour un secteur dont le modèle économique s'est édifié sur les emballages en papier, plastique ou carton.
Pas encore de date
La Commission européenne, dans le texte original présenté en novembre 2022, proposait de les interdire au 1er janvier 2030. Mais le texte a depuis suivi son cours entre les différentes institutions de l'UE, passant notamment par le Parlement européen à l'origine d'un grand nombre d'amendements. Le texte de compromis proposé à la mi-juin par la présidence suédoise du Conseil de l'Union européenne, c'est-à-dire l'institution qui regroupe les ministres concernés des États-membres, a préféré fixer un objectif de trois ans après l'entrée en vigueur du règlement.
Et rien n'est encore certain pour sa date d'adoption. La nouvelle présidence espagnole du Conseil de l'UE ne l'a pas inscrit dans ses principaux objectifs et les prochaines élections européennes de mai 2024 approchent à grand pas. S'il n'est pas approuvé avant le début de l'année (à la fois par le Parlement et le Conseil de l'UE, qui se partagent le pouvoir législatif), la partie sera remise à la prochaine législature. D'autant plus que l'unanimité n'est pas encore trouvée entre tous les États membres: certains pays, notamment l'Italie, freinent des quatre fers.
Moins écologique?
En attendant, l'assaut a déjà été donné par les grandes enseignes de fast-food et les fabricants d'emballages en papier et carton, qui multiplient ces derniers mois les tribunes dans la presse, les études contradictoires et les campagnes de communication. McDonald's, en tête des bataillons, s'est lancé dans un intense lobbying. Le géant américain du fast-food s'est allié à certains de ses concurrents, notamment le groupe Yum! (Pizza Hut, KFC, Taco Bell), et à des entreprises spécialisées comme Huhtamaki, Schisler ou Delfort, pour faire entendre ses arguments.
Ces derniers pointent du doigt des études préparatoires insuffisantes de la part de la Commission européenne. Du côté de l'EPPA, organisation paneuropéenne qui rassemble les principales entreprises des emballages en papier et en carton, on déplore un mauvais bilan écologique de la vaisselle réutilisable, soulignant que le lavage de ces contenants requiert beaucoup d'eau, d'énergie et de détergents. L'EPPA assure ne pas être opposée au nouveau règlement européen, mais déclare regretter un manque de dialogue et un "débat idéologique" inefficace.
Vente à emporter
Mais au-delà de l'article 22, qui supprime les emballages jetables pour la consommation sur place, il y a aussi l'article 26 dans le viseur. Ce dernier fixe des objectifs d'emballages réemployables pour la vente à emporter (80% des boissons et 40% des aliments d'ici 2040 dans le texte original non-amendé), une mesure beaucoup plus compliquée à mettre en place. Si les fast-foods risquent d'occuper la lumière médiatique, c'est un vrai "big-bang" des emballages que prépare l'Europe pour la prochaine décennie, bien plus ambitieux qu'il ne laisse paraître.
Les petits établissements exemptés
Comme en France, la future réglementation européenne prévoit que les petits restaurants ne seront pas concernés par l'interdiction et pourront continuer à servir des emballages jetables à leurs clients. Le projet de révision du règlement PPWR évoque une exemption pour les micro-entreprises, c'est-à-dire celles qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 2 millions d'euros. Le kebab ou la pizzeria du coin, par exemple, devraient passer entre les gouttes.