Fait-on vraiment de bonnes affaires en achetant sur Wish, Joom et Aliexpress?
Les fêtes approchant, des publicités en ligne pour toutes sortes d'objets à prix riquiqui ont attiré notre attention. Des pubs pour Wish, Joom ou Aliexpress, ces places de marchés numériques qui mettent en relation des marchands, souvent chinois, avec des consommateurs du monde entier.
Sur ces plateformes, on trouve des ustensiles de cuisine, des vêtements, des cosmétiques, des produits high tech... Des cadeaux à poser sous le sapin à des prix qui dépassent rarement quelques euros. Mais en achetant ces articles, fait-on vraiment une bonne affaire? Et fait-on prendre un risque à leur futur utilisateur? Pour en avoir le coeur net, nous en avons commandé quelques-uns.
Nous avons acheté un casque de moto, une crème pour le visage et un parfum de grandes marques, des jouets (des briques de construction et une peluche). Et enfin une paire de lunettes de soleil et un stylo laser censé être suffisamment puissant pour allumer un barbecue.
Première déconvenue: sur les sept articles commandés fin septembre, nous n’en avions reçu que quatre début décembre. Et concernant ceux qui sont bien arrivés, nous avons oscillé entre déception et angoisse. Bilan.
- Un casque de moto à 20 euros

Sur Aliexpress, nous avons commandé cet objet désigné comme "casque de moto unisexe integral" pour moins de 20 dollars. Sachant qu'un casque aux normes de sécurité européennes coûte au minimum une cinquantaine d'euros, et dans la plupart des cas plus d'une centaine d'euros.
Nous avons donc reçu un casque rouge rutilant, au look plutôt engageant. Mais au poids déjà, quelque chose cloche: il pèse un peu moins de 900 grammes, quand un casque homologué de même format en pèse au minimum 1.500. Certes, certains très bons casques de moto peuvent être très légers, mais il s'agit de modèles haut de gamme, notamment en carbone, qui valent dans les 3000 euros, explique-t-on chez Mondial City, vendeur de casques de moto agréé. Rien à voir avec notre casque.

D'ailleurs nous avons cherché -sans la trouver- l'étiquette donnant la taille et le poids du casque, qui doit être cousue à l'intérieur de celui-ci. Tout comme la norme européenne (NF ou ECE 22-04, 22-05), censée apparaître sur la coque et la jugulaire, ici aux abonnés absents.
Ensuite, nous avons regardé les finitions de ce casque, comme nous l'a recommandé Mondial City. Donc "la qualité des mousses à l'intérieur, comment elles sont assemblées, l'aspect des joints d'étanchéité, la qualité de la fermeture de la jugulaire, et aussi la visière. Si elle bouge, qu'il y a du jeu, qu'elle grince, ce n'est pas bon". Bingo: le casque coche toutes les mauvaises cases.


La Centrale du Casque avait fait le test avant nous, il y a quelques-mois. "Nous avons tapé avec une barre de fer sur un casque à 20 euros commandé sur Aliexpress, il s'est fendu en deux", raconte un vendeur parisien de la marque.
De notre côté, nous avons testé avec un coup de marteau, et obtenu le même résultat: une coque explosée et la trace du marteau dans la mousse polyester.


Ce casque avait été commandé plus de 700 fois quand nous l'avons acheté. Et les plus de 300 avis portant dessus était globalement très positifs, vantant notamment ses "bons matériaux".

Sachant que les blessures à la tête sont la première cause de handicap lourd et de décès des motards, nous ne saurions trop vous conseiller de ne pas acheter votre casque sur ces plateformes. D'autant qu'on en retrouve régulièrement sur les pages des produits dangereux à rappeler ou à retirer du marché de la Commission européenne.
- Une crème La Roche Posay à 2.70 euros

Première surprise: Wish vend des cosmétiques de grande marque, en l'occurrence La Roche Posay. Deuxième surprise: cette crème teintée pour le visage, la BB Cream de la gamme Uvidea, coûte moins de 3 euros sur la plateforme, alors que La Roche Posay la vend entre 32 et 34 euros (ci-dessous).

A la réception, cette énorme différence de prix s'explique très bien. Cette crème a tout de la mauvaise contrefaçon. Sur l'image de l'annonce Wish, le produit s'appelait "Uvidea". Sur le tube que nous avons reçu, une légère faute d'orthographe a transformé ce nom en "Vuidea". Autre coquille plus haut, sous le nom "La Roche Posay", il est inscrit "laboratoire dermatologiqYe" (au lieu de dermatologiqUe).


Mais au moins, la face avant est renseignée. Sur la face arrière, il n'y a rien du tout : pas de liste des ingrédients du produit, pas de détails sur le lieu de sa fabrication, absolument rien. Or la législation française oblige à renseigner le nom des substances qui composent le produit sur son contenant.
Nous n'avions pas les moyens techniques de tester le contenu du tube. Mais la DGCCRF a mené ce travail en 2018, en commandant notamment des cosmétiques sur les places de marchés à bas prix. 65% des objets qu'elle a testés se sont révélés non-conformes aux normes de sécurité européennes, et 38% étaient même dangereux, avec par exemple des substances non autorisées dans les produits de beauté.
- Des briques de construction à 4.44 euros

Sur le site, les briques avaient de jolies couleurs, et le visuel laissait penser qu'on aller en recevoir des centaines. A l'arrivée, on se retrouve avec un sachet transparent de la taille d'un petit coussin contenant des briques aux couleurs un peu mochardes, et au plastique très fin qui se plie facilement.
"Déjà en termes de présentation, pour un cadeau de Noël, ça va forcément décevoir l'enfant pour qui le paquet compte beaucoup", souligne Franck Mathais, porte-parole de JouéClub.

Mais surtout, cet emballage pose des problèmes réglementaires à plus d'un titre. Déjà, le sachet qui contient les briques ne comporte pas de petit trou, comme l'impose l'UE pour éviter que les enfants ne puissent s'étouffer avec.
Ensuite, les normes européennes exigent qu'une notice en français figure sur le paquet. Or là, il n'y a pas du tout de notice. En outre, le logo CE devrait apparaître sur l'emballage et le jouet. Là, les lettres "C" et "E" apparaissent bien sur l'étiquette, mais elles correspondent au logo "China Exportation", qui ressemble beaucoup au logo "conformité européenne", mais avec les deux lettres un peu moins espacées l'une de l'autre.


Dernier manquement: ce jouet est interdit aux moins de trois ans, ce qui est clairement spécifié sur l'emballage, sans doute parce que les pièces sont petites et pourraient être avalées par des plus petits. Problème: aucune des raisons de cette interdiction n'est mentionnée, alors que c'est obligatoire pour vendre des jouets en Europe.
- Une lampe laser censée allumer le feu à moins d'1 euro

De notre côté, nous n'avons jamais réussi à allumer de feu avec cet objet qui ressemble à un gros stylo. Mais le laser fonctionne. Un souci toutefois: le lendemain du jour où nous commandions cette lampe laser surpuissante, elle faisait son apparition sur RAPEX, le site des alertes et rappels des produits dangereux de l'Union européenne. Les autorités de protection du consommateur européen ont émis une alerte de niveau "grave" car le faisceau laser trop puissant peut créer des lésions oculaires s'il est dirigé vers l'oeil.
