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Covid: comment les titres restaurant ont joué un rôle d'amortisseur du choc subi par la restauration

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L'assouplissement des règles d'utilisation de ce mode de paiement mi-2020 pour soutenir l'activité des restaurateurs a permis d'amortir en partie les conséquences de la crise sanitaire. L'apport net des titres restaurant pour le secteur est estimé à près de 3 milliards d'euros.

Ils ont révolutionné le quotidien de millions de salariés. Lancés il y a 55 ans, les titres restaurant représentaient en 2020 un marché de 7,1 milliards d’euros. Pour la restauration qui capte plus de 60% de cette manne (4,5 milliards d’euros en 2020), ce mode de paiement est devenu incontournable. Entre 2010 et 2019, les dépenses en "tickets resto" dans les restaurants ont ainsi progressé de 4,7% par an, quand la croissance annuelle du secteur n’était "que" de 1,6%, selon une étude publiée par le cabinet Roland Berger*.

Covid oblige, l’utilisation croissante des titres-restaurants ces dernières années a connu un coup d’arrêt en 2020. Cette année-là, les dépenses réalisées dans la restauration avec ce type de paiement ont baissé de 10%. Un recul qui reste malgré tout modéré au regard de la chute de l’activité globale du secteur (-34%).

Plusieurs éléments expliquent cette relative résistance. Les titres restaurant ont d’abord su s’adapter aux mutations du secteur en misant sur la digitalisation et en permettant leur utilisation sur les plateformes de livraison. Surtout, les règles de paiement en "tickets resto" ont été assouplies par le gouvernement mi-2020 pour soutenir l’activité des restaurateurs pendant la crise sanitaire, avec un relèvement du plafond de 19 à 38 euros et la possibilité de les utiliser les dimanches et jours fériés. De quoi amortir en partie le choc.

Des clients qui dépensent plus et plus souvent

L’étude menée par le cabinet Roland Berger auprès de plus de 2000 répondants montre que les titres restaurant sont un remarquable "apporteur d’affaires" pour le secteur de la restauration. Et pour cause, les salariés qui en détiennent vont non seulement plus souvent au restaurant, mais ils dépensent aussi davantage: 18,5 euros en moyenne par repas, contre 15,4 euros pour ceux qui n’en ont pas.

80% des détenteurs de "tickets resto" interrogés reconnaissent par ailleurs qu’ils iraient "moins fréquemment" au restaurant s’ils ne disposaient pas de ce moyen de paiement. Et 71% déclarent qu’ils dépenseraient moins pour chaque repas dans cette hypothèse. Avec une réduction de la dépense moyenne de près de 50%, selon les sondés.

En outre, ils sont près de 40% à dire qu’ils n’utiliseraient pas leurs titres restaurant en restauration si le montant leur était donné en espèces. Et les 60% restants affirment qu’ils partageraient la dépense entre le restaurant et d’autres activités (vacances, loisirs, enfants…).

Un apport net de près de 3 milliards d'euros

De leur côté, les restaurateurs ont conscience des bénéfices que leur apportent les titres restaurant. D’après eux, 16% de leurs revenus sont tirés de ce mode de paiement. Ils estiment de surcroît qu’ils perdraient 85% de ces recettes s’ils n’acceptaient pas les "tickets resto", soit une perte de revenu global de 14%.

Une autre enquête menée cette fois auprès d’un groupe d’experts de la restauration estime que 33% des 4,5 milliards d’euros payés en titres-restaurant seraient tout de même dépensés sans ce mode de paiement. Autrement dit, les "tickets resto" augmentent le chiffre d’affaires global de la restauration d’environ 3 milliards d’euros. Somme à laquelle il faut déduire le montant des commissions payées aux émetteurs (3% en moyenne), soit un apport net pour le secteur de 2,9 milliards d’euros.

Les titres-restaurant constituent donc un réel outil au service de la croissance pour les restaurateurs. Que ce soit au sein des établissements ou sur les plateformes: 54% des sondés détenteurs de titres affirment commander plus sur les plateformes de livraison grâce aux titres-restaurant. "Il y a plus d’un tiers de nos consommateurs qui utilisent leurs tickets resto pour payer sur la plateforme. Ça nous apporte du trafic", reconnaît Jérôme Lemouchoux, directeur général de FoodChéri, spécialiste de la livraison de repas.

Le plafond à 38 euros prolongé?

Déjà prolongées une fois, les règles plus souples d’utilisation des titres-restaurant doivent prendre fin le 28 février. Mais le secteur espère obtenir une nouvelle prolongation, en particulier le maintien du plafond à 38 euros: "Ca a été une opération absolument excellente", explique Hubert Jan, président de l’Umih restauration, ajoutant avoir "bon espoir" d'obtenir la prolongation de la mesure au moins jusqu'au mois de septembre.

Il faudra pour cela convaincre Bercy qui devra également trancher sur la prolongation des titres 2021 qui arrivent à échéance fin février et sur la possibilité de les utiliser les dimanches et jours fériés. Contacté, le ministère de l’Economie indique qu’une décision devrait être prise "la semaine prochaine".

*Enquête réalisée en juillet et août 2021 auprès de 1145 restaurateurs et 1022 consommateurs.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco