Ça secoue chez Perrier: les ventes de l'eau pétillante en baisse dans des supermarchés

Dans les rayons de cette grande enseigne de distribution, les ventes de bouteilles de Perrier sont en baisse de 17%, en volume, depuis janvier. Une de ses concurrentes, au moins, fait elle aussi état d’une baisse… Sans qu’elles se risquent, ni l’une ni l’autre, à établir de lien avec l’actualité.
Depuis plus d’un an maintenant, Nestlé Waters, la maison-mère de Perrier, est dans l’oeil du cyclone. En janvier 2024, elle a été pointée du doigt par Le Monde et la cellule d’investigation de Radio France pour avoir eu recours à des procédés non conformes pour purifier ses eaux minérales. Depuis, une commission d’enquête sénatoriale a été lancée. La préfecture et les autorités sanitaires se sont aussi intéressé de plus près au site qui produit l’eau de Perrier, à Vergèze, dans le Gard. Plus d’un milliard de bouteilles en sortent par an. L'un des puits est notamment à l'arrêt depuis avril 2024. La production a été suspendue après un épisode de contamination par des germes fécaux.
Eau de Perrier en baisse, Maison Perrier en hausse
Dans l'entourage de la direction du groupe, on concède que la commission d’enquête au Sénat a pu avoir un impact, mais "à la marge", sur les consommateurs et que si baisse de volume il y a, elle est surtout due à une météo maussade et à une baisse de la production, liée à l’arrêt du puits de Vergèze.
Et puis "il y a eu une bascule des modes de consommation", avance aussi une source proche de Nestlé Waters.
Elle raconte que les clients, surtout les plus jeunes, achètent de plus en plus de boissons pétillantes, ce qui explique les bons résultats pour la gamme "Maison Perrier", qui n’est pas une eau minérale naturelle. Produite également à Vergèze, elle a été lancée en grande pompe en 2024, vraisemblablement un peu plus vite que prévu, étant donné la situation du Perrier traditionnel. D’après nos informations, 375 millions de bouteilles de cette nouvelle gamme ont été vendues en un an. Elle s’écoule bien en France, mais aussi aux États-Unis, qui est son premier marché.
Une source de satisfaction pour Nestlé Waters, qui est donc à un moment charnière pour sa traditionnelle "eau minérale naturelle". La question est notamment de savoir si elle va pouvoir continuer à utiliser ce fameux label. En avril 2024, quand le puits de Vergèze a été mis à l’arrêt, les agents de l’Autorité régionale de santé (ARS) ont estimé que les "contaminations bactériennes", même si elles étaient "ponctuelles" étaient inacceptables pour une eau minérale naturelle.
Le label "eau minérale naturelle" en danger
La semaine dernière, le préfet du Gard a mis en demeure Nestlé Waters de modifier d'ici deux mois sa façon de traiter cette eau. Pour lui garantir son statut d’"eau minérale naturelle", à Vergèze, Nestlé Waters utilise un système de microfiltration, à 0,2 micron. L’Agence régionale de santé locale et le préfet considèrent que, s’il n’y a pas de risque pour la santé, ces traitements modifient les caractéristiques microbiologiques de l’eau, au risque de ne pas pouvoir lui conférer le label. Le préfet du Gard doit aussi dire, d'ici le 7 août, s'il renouvelle à Nestlé Waters l'autorisation d'exploiter ce site industriel du Gard.
Dans l'entourage de la direction du groupe, on répète que la sécurité des consommateurs a toujours été une priorité, qu’il n’y a pas de risque pour leur santé, et on explique que Nestlé s'active pour proposer "rapidement" des solutions "pour pouvoir opérer en tant qu’eau minérale naturelle et préserver l’un des fleurons français". Il y a un sujet industriel, bien sûr -Nestlé Waters a investi 150 millions d'euros à Vergèze, sur cinq ans- et un sujet social avec 1.000 emplois sur ce site.
Ce contexte préoccupe les élus locaux. D’autant que la verrerie voisine, qui fabrique des bouteilles de Perrier, va fermer. Laurent Burgoa, sénateur LR du Gard, suit de très près ces dossiers, à plusieurs titres. Il est aussi le président de la commission d’enquête sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille.
Avec le rapporteur de cette commission, le sénateur socialiste de l’Oise Alexandre Ouizille, ils présentent ce lundi 19 mai les résultats de plusieurs mois d’auditions de responsables politiques et de responsables d’entreprises du secteur. Hormis celle du nouveau patron de Nestlé, Laurent Freixe, qui s’est bien passée, les rencontres avec d’autres cadres du groupe suisse ont été extrêmement tendues. Il y a quelques jours, le président et le rapporteur de cette commission ont même annoncé qu’ils allaient saisir la justice pour "faux témoignage" à l'encontre du directeur industriel de Nestlé Waters.
Nestlé souhaite une clarification des règles
Interrogée par BFM Business, une source proche de la direction du géant suisse regrette que les projecteurs de cette commission d’enquête aient été braqués plus sur Nestlé que sur ses concurrents.
Elle rappelle que la justice fait par ailleurs son travail et qu’une information judiciaire a été ouverte, en février dernier, pour "tromperie" au pôle santé publique du tribunal de Paris concernant les traitements illégaux utilisés par Nestlé Waters.
Toujours selon cette source, l’entreprise aspire à ce que le cadre règlementaire soit désormais "clarifié", des différences existant, selon elle, entre les régions.
De son côté, le président de la commission d’enquête juge que la décision du préfet d’exiger que Nestlé Waters retire les filtres de 0,2 micron de diamètre est "sage et responsable, parce que personne n’a réussi à démontrer que cela ne modifiait pas les caractéristiques de l’eau" et "parce que cela laisse du temps à Nestlé". Pour Laurent Burgoa, si l’industriel n’arrive pas à trouver la façon de continuer à produire une "eau minérale naturelle", alors, "il faudra fabriquer une autre eau" pour qu’il y ait "un accord entre le produit et l’étiquette".
Le sénateur LR estime aussi qu’il faut "que l'état prenne ses responsabilités et donne un taux de microfiltration".
Les pouvoirs publics ont également été au coeur de cette commission d’enquête, qui a cherché à déterminer jusqu’où se sont tissés les liens avec l’entreprise. Alexandre Ouizille a déclaré que l’Élysée savait, au moins depuis 2022, qu’il y avait un problème avec le traitement des eaux de Nestlé. Il a convoqué l’ancien secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, qui ne s’est pas présenté, poussant les sénateurs à choisir de rendre publique l'intégralité des échanges (74 pages de documents) entre Nestlé et le plus haut sommet de l’État.