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Affaire des eaux en bouteille: un rapport du Sénat évoque un "scandale industriel et politique"

Des bouteilles d'eau de la marque Perrier, à Lausanne (Suisse) le 15 avril 2010 (photo d'illustration).

Des bouteilles d'eau de la marque Perrier, à Lausanne (Suisse) le 15 avril 2010 (photo d'illustration). - FABRICE COFFRINI / AFP

Dans un rapport revenant sur la violation de la réglementation des eaux en bouteilles, notamment par Nestlé Waters, les sénateurs dénoncent "l’absence de mesures plus volontaristes de l’Etat."

L’affaire des eaux en bouteille prend un nouveau tournant. D’après Public sénat, les parlementaires reprochent à l’État une "réponse tardive et confidentielle", ainsi qu’un manque de transparence et dénoncent "un scandale industriel" et "politique".

Révélée fin janvier 2024 par Le Monde et Radio france, cette affaire implique plusieurs entreprises accusées d’avoir trompé les consommateurs en vendant, sous l’étiquette "minérale naturelle" ou "de source", des eaux qui avaient subi des traitements de purification semblables à ceux utilisés pour l’eau courante.

Comment l’eau en bouteille Nestlé a-t-elle été contaminée?
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C’est à la suite de ces révélations que la mission d’information donnant lieu à ce rapport a été lancée par le Sénat. Mais les faits reprochés par les sénateurs débutent en juillet 2021. A cette date, une enquête du Service national d’enquêtes (SNE) de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) entraîne un signalement du procureur pour "tromperie" de la part de Nestlé waters.

Le rapport dénonce "l’absence de mesures plus volontaristes de l’État"

Saisi part les ministres Agnès Pannier-Runacher et Olivier Véran, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) réalise une enquête sur les usines de conditionnement d’eau en France. Cette mission révèle que dans 30 % des cas étudiés, les pratiques sont non-conformes. Revenant sur ce point, le rapport des sénateurs regrette "qu’aucune mesure de suivi immédiat n’a été prise pour éviter la mise sur le marché d’eau minérale naturelle ne remplissant pas les conditions requises pour être commercialisées".

Antoinette Guhl, rapporteure de la mission d’information, déplore la "lenteur de la mise en conformité de Nestlé en l’absence de mesures plus volontaristes de l’État."

En 2023, Nestlé Waters présente un plan de transformation de ses pratiques. Mais ici encore, les sénateurs critiquent l’action de l’État. La rapporteure met en évidence "la lenteur de la cessation des pratiques explicitement interdites par la réglementation".

Un manque de "transparence"

Le défaut de "transparence des relations de l’industriel avec les pouvoirs publics" est aussi l’un des points noirs formulés par les sénateurs. Ces derniers reviennent notamment sur les informations trompeuses délivrée par Nestlé en avril 2024. L’entreprise avait indiqué dans les médias avoir détruit deux millions de bouteilles Perrier, mais ces dires ont par la suite été infirmés.

La mission d’information s’inquiète également du recours croissant à la microfiltration de l’eau de plus en plus fine. Pour le ministère de la Santé, la microfiltration ne doit pas descendre en dessous du seuil de 0,8 microns. Toutefois, le rapport sénatorial dénonce "un accroissement de la tolérance administrative à l’égard de la microfiltration" et demande aux autorités de présenter une position claire sur la question.

"Pérenniser les inspections inopinées"

La sénatrice écologiste de Paris Antoinette Guhl soutient la nécessité de "pérenniser les inspections inopinées".

Elle réaffirme "l’obligation pour les exploitants de laisser les agents de contrôle pénétrer immédiatement sur le site."

La rapporteure préconise également l’instauration de "mesures correctives" couplées à des "mesures de publicité" en cas de non-conformité.

Plus largement, le rapport s’inquiète de "la pérennité et la qualité de la ressource en eau minérale naturelle" qui pourrait être entravée par des prélèvements excessifs, la pollution et l’artificialisation des sols.

Pour pallier le manque d’informations sur cette question, Antoinette Guhl recommande de "rendre publique les quantités d’eau prélevées par les exploitants", de lancer "une campagne d’études des hydrosystèmes exploités par les industriels" et "d’actualiser le plan d’action sur les micropolluants en y incluant les eaux conditionnées afin de disposer d’informations complètes sur leur niveau de pollution".

Louise Darrieu