Comment Donald Trump pourrait se servir de l'IA pour remplacer les fonctionnaires et dégraisser l’administration fédérale américaine

Le président américain Donald Trump assiste à un événement consacré à l'autisme dans la salle Roosevelt de la Maison Blanche à Washington, DC, le 22 septembre 2025. - SAUL LOEB
Il s’appelle Foundry. Ce logiciel développé par Palantir, est déjà utilisé dans de nombreuses agences fédérales, dont le département à la sécurité intérieure ou le département de la santé. Imaginez une cargaison suspecte qui arrive dans un port américain: Foundry peut alerter immédiatement les bons services, indiquer la marche à suivre, et accompagner toutes les décisions jusqu’à l’opération sur le terrain.
Comment? Le logiciel scanne en temps réel absolument toutes les données de sécurité intérieures, liées aux frontières, aux douanes, aux renseignements ou encore à la cybersécurité. Qu’elles viennent de satellites, de fichiers Excel, de tuto sur internet: Foundry scanne tout.
Un algorithme qui pilote la santé publique
Le logiciel est aussi utilisé par le département de la santé publique. Les données y sont massives et dispersées entre les labos, les hopitaux et les stocks de médicaments. Pour Foundry, cette galaxie de données éparpillées n’est pas un problème : en un coup d’oeil, le logiciel dresse une carte en temps réel du système de santé américain.
C’est ce qui a permis, pendant le Covid, d’anticiper des pénuries de matériel, de distribuer des vaccins ou de gérer des lits d'hôpitaux. La force de ce logiciel: transformer n’importe quel chaos de données en un plan d’action clair, utilisable par n’importe qui – même sans expertise technique.
Derrière Foundry, le rêve d'un Etat digital
Foundry a été développé par Palantir. L’entreprise, fondée par Peter Thiel, vaut plus de 400 milliards de dollars. Une valorisation astronomique liée notamment aux contrats colossaux passés avec le gouvernement américain. Peter Thiel est un proche de Donald Trump. C’est aussi un véritable gourou de la Silicon Valley, avec ses partisans et ses détracteurs. Il porte une vision idéologique d’un État digitalisé, où la technologie et l’IA remplacent une partie des process humains traditionnels.
Foundry traîne déjà son lot de controverses. Centraliser autant de données sensibles – sécurité intérieure, santé, immigration – dans les mains d’un acteur privé proche de Trump inquiète les défenseurs des libertés civiles. Pendant la pandémie, plusieurs ONG avaient alerté sur les risques de traçage et sur l’opacité du logiciel.
Quand l’algorithme remplace le fonctionnaire
Pas de quoi perturber Donald Trump qui reste très sensible à la vision de Peter Thiel. Il a signé un décret en janvier dernier pour que les Etats-Unis prennent le leadership mondial de l’IA. Le président des Etats-Unis a aussi demandé à ce que l’IA soit déployée en 180 jours dans les agences fédérales.
Cette doctrine d’un Etat resserré et digital n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans “le Projet 2025”, un document de plus de 900 pages rédigé par le très puissant think tank conservateur Heritage Foundation. Son QG de plusieurs étages est à deux pas du Capitole. Il est dirigé par Kevin Roberts, qui tire à boulet rouge sur les bureaucrates et l’administration :
"Le gouvernement doit se lever chaque matin et se dire: quelle partie de l'administration vais-je détruire aujourd’hui? Pas réformer... pas modifier... pas ajuster. Détruire. Virer les bureaucrates. Fermer des agences !"
Le “Projet 2025” de la Heritage Foundation a servi de boussole à Donald Trump en campagne: une feuille de route pour briser le “Deep state” (“l'Etat profond"), notamment à l’aide des algorithmes qui prennent le pas sur les fonctionnaires.