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Ces entreprises se lancent dans la production de masques transparents

Le masque baptisé Smile (Sourire) est en vente entre 13 et 15 euros.

Le masque baptisé Smile (Sourire) est en vente entre 13 et 15 euros. - Odiora

Dotés d’une fenêtre en plastique qui permet de voir la bouche, ces modèles de masques protègent de la Covid-19 sans nuire aux échanges, notamment pour les sourds et malentendants. Deux sociétés françaises viennent d’obtenir l’agrément de la DGA.

Les masques font désormais partie du quotidien. Mais s’ils protègent des virus, ils sont source de difficultés pour les personnes sourdes et malentendantes. Les sons sont amoindris et les malentendants ne peuvent plus s’appuyer sur les mouvements de la bouche pour suivre la conversation. D’où l’idée de développer un masque qui laisserait la bouche visible tout en protégeant des aérosols grâce à une bande transparente. Ce type de masque existe déjà aux Etats-Unis, et plusieurs entrepreneurs se sont lancés dans le développement de leur propre modèle en France.

Deux modèles ont déjà obtenu l’agrément de la Direction Générale de l’Armement (DGA) dans le cadre d’une utilisation pour le grand public. Ils ont été conçus par deux jeunes entrepreneuses, malentendantes, et qui, chacune de leur côté, ont compris la nécessité de lancer ces modèles alternatifs.

Une entreprise basée à Lyon

Nathalie Birault, fondatrice de la marque de bijoux pour prothèses auditives Odiora s'est ainsi lancée dès le confinement dans la fabrication d’un prototype laissant apparaitre la bouche.

"J’ai confectionné une vingtaine de modèles avant d’obtenir le bon, qui répondait aux recommandations de l’AFNOR, tout en offrant le confort nécessaire" explique-t-elle à BFM Business.

Elle s’est ensuite appuyée sur les retours que lui envoyaient les clients de sa marque de bijoux pour le perfectionner. Par exemple, les élastiques à positionner derrière l’oreille, un dispositif retenu sur la majorité des masques diffusés dans le commerce, ne pouvaient convenir aux porteurs d’appareils auditifs. C’est donc un système de lien à nouer derrière la tête qui a finalement été retenu.

Son masque, baptisé "Smile" (ou Sourire en anglais), est en vente sur son site pour les particuliers pour un prix compris entre 13 et 15 euros, selon les modèles. Il se lave à 60 degrés et résiste à une dizaine de lavages au moins. Il est recommandé de le placer dans un filet avant de le glisser dans la machine à laver, afin d’éviter que le morceau de plastique ne soit rayé du fait du frottement avec le tambour.

La fabrication a été confiée à des ateliers de la région lyonnaise, où est basée Odiora. D’abord parce que l’entreprise souhaite favoriser le circuit court, mais aussi pour des raisons pratiques. "C’est plus facile de former les gens quand ils sont à coté, car la fabrication de notre masque est plus difficile que le modèle en tout tissu", détaille Nathalie Birault.

L’entreprise spécialisée dans le textile Boldoruc, un acteur historique de la région lyonnaise, ainsi que trois ateliers "Entreprises adaptées", qui emploient des personnes en situation de handicap, sont donc mobilisés pour répondre à la demande. L’entreprise peut fournir entre 1000 et 1500 masques Smile par semaine. Les clients sont au rendez-vous, déjà les particuliers.

"On a entre 50 et 100 commandes par jour depuis notre site internet. On a dû limiter le nombre de masques par panier pour fournir tout le monde", précise la jeune entrepreneuse.

L’entreprise a ainsi reçu des devis pour 30 à 40.000 pièces. Les commandes affluent aussi en provenance des entreprises. Elles sont en effet très demandeuses pas uniquement pour permettre à leurs salariés malentendant de communiquer, mais aussi pour des questions de convivialité et de communication. Ces masques sont ainsi fréquemment achetés pour équiper les personnes en charge de l’accueil, ou celles qui travaillent dans les crèches et les restaurants. Ce succès a permis à la jeune entreprise de recruter son premier salarié.

Un partenariat avec l'APF France handicap

L’autre modèle, baptisé "masque inclusif", a été conçu par Anissa Mekrabech, une créatrice de maroquinerie installée à Toulouse, elle-même malentendante. Pour développer son modèle et lancer la fabrication, elle a lancé une collecte de fonds sur la plateforme Gofundme.

"Je tablais sur 5000 euros, j’ai finalement récolté 18.563 euros en deux mois", s’enthousiasme Anissa Mekrabech, qui a de suite monté une équipe de trois personnes pour lancer la commercialisation.

Finalement, le plus dur a été de trouver où s’approvisionner en matière première. Son masque est fabriqué dans un tissu en intissé auquel s’ajoute une bande transparente anti-buée en PET, un polymère de type polyester. Il résiste à une vingtaine de lavages et il est vendu 10,90 euros TTC pour les commandes inférieures à 100 unités, 8,50 euros HT au-délà.

Sa première grosse commande a été faite par Amazon, qui a acheté 500 masques pour ses équipes travaillant avec du personnel sourd et malentendant. Impossible de répondre tout seule aux commandes des entreprises, il lui fallait faire appel à des ateliers de fabrication. APF France Handicap est venue lui proposer son expertise.

"Une des missions d’APF France handicap est d’identifier les start-up qui ont besoin d’un coup de pouce ou d’un accompagnement. Nous menons une veille sur ce qui pourrait nécessiter une accélération" , explique Serge Widawski, directeur de APF Entreprises.

A la tête d’une cinquantaine d’ateliers sur toute la France, il a ainsi pu mettre à disposition une partie de sa force de production pour répondre à la demande.

"Un atelier en Normandie ne suffisait plus, il a fallu revoir la production en mobilisant des équipes sur dix ateliers. Mais on peut encore grossir pour accompagner la croissance", s’enthousiasme le directeur.

Au 1er septembre, la capacité de production sera de 16.000 pièces par semaine. De quoi répondre à la demande, puisqu'aux 20.000 pièces déjà en commande, des devis arrivent tous les jours.

Coralie Cathelinais Journaliste BFM Éco