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"C'est la panique": les imprimeurs sous pression pour produire les affiches et bulletins de vote des législatives

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La dissolution annoncée dimanche laisse peu de temps aux imprimeurs pour fournir à temps affiches, profession de foi et bulletin de vote. Une pénurie de papier électoral est la principale crainte pour ces professionnels.

La dissolution de l'Assemblée nationale annoncée dimanche soir par le chef de l'Etat a des conséquences démocratiques avec des lois en préparation et des commissions d'enquête stoppées net. Mais l'organisation même du scrutin pose question. Les municipalités sont dans l'urgence: il leur faut des locaux, qui souvent ne sont pas disponibles, des assesseurs, sans lesquels le scrutin ne peut se faire. Et aussi du matériel électoral: bulletins, affiches, professions de foi.

Ces élections ont ainsi de lourdes conséquences industrielles. Les partis et les candidats doivent disposer des documents électoraux dans les plus brefs délais. Les dates du premier et du second tour des élections législatives ont été arrêtées au 30 juin et au 7 juillet 2024.

Mardi 18 juin à 18 heures au plus tard, les imprimeurs doivent avoir livré les documents aux routeurs pour les faire parvenir les professions de foi par courrier aux 40 millions d'électeurs et bulletins et affiches aux bureaux de vote. Les imprimeurs ont donc moins de six jours pour produire tous ces documents.

Trouver des centaines de tonnes de papier

Pour y parvenir, les presses doivent ainsi commencer à tourner dès la fin de cette semaine jusqu'à dimanche soir pour que tout soit prêt à temps. Les agences d'intérim devront prêter main forte pour fournir du personnel pour de la manutention. Les imprimeurs doivent aussi disposer du bon papier. Pour les bulletins de vote, le code électoral impose un support écologique de 70 grammes au mètre carré. Mais quelques semaines après les élections européennes, les stocks ne sont pas au niveau.

"Le problème, ce n'est pas la qualité du papier, mais les volumes. Il nous faut des centaines de tonnes en moins d'une semaine", nous précise Pierre Barki, importateur et distributeur et le président du Groupement des importateurs de papiers et cartons (GIPC).

Une importante quantité de papier est lié à ce scrutin. Pour la présidentielle, le nombre de candidats est limité sur l'ensemble du territoire. Mais pour les législatives, il faut en élire 577 avec au moins quatre ou cinq postulants. En 2022, le ministère de l'Intérieur recensait 6.293 candidats, soit une moyenne d'environ 11 candidats par circonscription. Chacun doit disposer du même nombre d'imprimés.

Ainsi, c'est la course pour trouver des stocks chez les papetiers. Le support est d'autant plus rare après les élections européennes où il a été utilisé. Ce support est fabriqué en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas ou dans les pays Scandinaves.

"Les fabricants peuvent produire 40 à 50 tonnes à l'heure, mais le problème est logistique. Ils doivent livrer en un temps record. Les politiques n'ont pas consciences des enjeux industriels de notre filière", pointe Pierre Barki.

Prix du papier en hausse de 30 à 40%

Depuis dimanche soir, les imprimeurs se démènent donc pour trouver du papier et organiser la logistique pour envoyer à bon port les bulletins de vote, les professions de foi et les affiches électorales. Il doivent constituer un stock en passant parfois par plusieurs papetiers. Dans cette situation où la demande dépasse l'offre, les prix sont entre 30 et 40% plus élevés que d'habitude, nous a confié un imprimeur.

"La rareté, c'est de la cherté", constate Philippe Dupouy, directeur commercial pour le groupe Imprim, un imprimeur de Bordeaux.

Responsable de l'organisation des scrutins, le ministère de l'Intérieur suit de près la situation. Deux réunions ont déjà été organisées, l'une avec le routeur dès lundi soir, une autre avec les imprimeurs mardi matin. Le planning électoral est tendu.

"Habituellement, nous avons du temps pour préparer nos presses, nos équipes et constituer du stock de papier", prévient Philippe Dupouy, directeur commercial.

Dès dimanche soir, l'imprimeur bordelais a été assailli d'appels téléphoniques des partis politiques qui tentent de réserver du planning. Nombre d'entre eux devront trouver un autre imprimeur.

"Je n'ai pas la matière première, on sort des élections européennes et on doit aussi s'occuper des autres clients dont les commandes ont déjà été repoussées", explique Philippe Dupouy, directeur commercial.

"C'est la panique dans la profession"

"Depuis l'annonce de la dissolution, c'est la panique dans la profession qui après les européennes se préparait à travailler pour les Jeux Olympiques", confirme à BFMTV.com Philippe Vanhest, directeur général du groupe Prenant en région parisienne.

Cet imprimeur a l'habitude des gros travaux en urgence et dispose d'un parc machine et d'un stock de papier conséquent pour faire face aux imprévus.

"C'est un défi industriel et logistique, mais nous sommes parés", affirme Philippe Vanhest.

Le temps est si court que les candidats doivent trouver un imprimeur au plus près de leur circonscription afin d'avoir le maximum de temps pour produire le matériel de campagne et le livrer sans perdre de temps sur les routes pour la livraison.

Des candidats sans affiches ni bulletins?

Le risque est désormais que certains candidats pourraient ne pas pouvoir disposer en temps et en heure du matériel électoral nécessaire à ces élections législatives. Pour Philippe Dupouy, c'est en effet un risque réel.

"En 2022, le groupe Imprim avait produit les documents électoraux pour une trentaine de candidats. Cette fois, ce sera dix, peut-être vingt au maximum. On fera au mieux, mais on ne peut pas faire plus. Certains candidats risquent de ne pas trouver d'imprimeurs", craint Philippe Dupouy.

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Expliquez-nous par Nicolas Poincaré : La dissolution de l'Assemblée vue de l'étranger - 11/06
3:16

Le délai est si court que des recours ont été déposés mardi devant le Conseil Constitutionnel contre le décret organisant le scrutin des élections législatives.

"Ce qui est reproché, ce sont des problématiques de délai qui vont rendre les élections trop courtes", explique Jean-Baptiste Soufron, membre de l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico), portant le premier recours.

La loi dispose que la dissolution de l'Assemblée nationale et le premier tour du scrutin doivent être séparés de 20 jours minimum. En l'état, le premier tour doit se tenir le 30 juin en France métropolitaine. La dissolution, elle, a été effective le 9 juin. Or, un vote anticipé est prévu dans certaines circonscriptions, notamment en Outre-Mer et à l'étranger. Ces scrutins ne respecteraient donc pas les 20 jours de délai. En attendant, les rotatives tournent déjà à plein régime.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco