814 euros par habitant exposé: les canicules sont des drames humains mais aussi des calamités économiques

Une canicule inédite touche un nombre record de départements depuis quelques jours. 16 départements vont basculer ainsi ce mardi en vigilance rouge pour canicule. Si ces épisodes de chaleur extrême peuvent avoir des conséquences sanitaires dramatiques, ils sont aussi néfastes pour l'activité économique.
Selon Santé publique France, les canicules survenues entre 2015 et 2020 ont coûté de 22 à 37 milliards d'euros. Pour parvenir à cette estimation, l'organisme a suivi les indicateurs comme les coûts des passages aux urgences et les consultations SOS Médecins pour une sélection de causes liées à la chaleur.
La mortalité en excès et la perte d'espérance de vie ont également été valorisées économiquement, ainsi que la perte de bien-être due aux restrictions d'activité.
"Cette méconnaissance, couplée à une perception du risque qui demeure faible, s'avère un frein à l'action en matière d'adaptation", assure Santé Publique France.
Un choc sur les infrastructures
La mortalité en excès est majoritaire dans ce coût (16 milliards d'euros lorsqu'elle est exprimée en années de vie perdues, ou 30 milliards d'euros à partir des décès en excès). La restriction d'activité, elle, est estimée à 6 milliards d'euros sur la période par Santé publique France.
Au total donc, les vagues de chaleur précédentes ont couté en moyenne 814 euros par habitant exposé.
La chaleur extrême a aussi un impact sur les infrastructures, notamment ferroviaires avec la déformation des rails qui engendre la fermeture de voies de chemins de fer. Ce qui occasionne des retards, des annulations, d'éventuels remboursement et surtout une désorganisation des entreprises.
"Les collectivités locales font, dans le cas de fortes chaleurs, face à des dégâts sur les voiries, les parkings, les réseaux électriques qu'ils faut ensuite réparer, ce qui a évidemment un coût, indique Jean-Louis Bertrand, directeur scientifique de Meteo Protect et professeur de Finance à l'Essca. À titre d'exemple, en 2003, la facture pour EDF s'était élevée aux alentours de 300 millions d'euros au titre des dégâts sur le réseau de distribution électrique."
À cela s'ajoutent des baisses très forte de productivité et des rendements dans les secteurs les plus météo-sensibles. Un travailleur moyen exposé à plus de 33°C perdrait environ 50% de ses capacités de travail, selon l'Organisation Internationale du Travail.
L'agriculture directement affectée
C'est évidemment dans l'agriculture que les fortes chaleurs sont le plus nuisibles. En 2020, la sécheresse a par exemple coûté entre 1 et 1,2 milliard d'euros, selon la Caisse centrale de réassurance. Elle se traduit par un phénomène d'assèchement des céréales et de la vigne qui abîme la fructification.
"Les rendements chutent dès que la température dépasse un certain seuil, vers 26-27°C pour de nombreuses cultures, précise Jean-Louis Bertrand. En 2003, la baisse des rendements lors de la canicule, qui a pu atteindre 50% sur certains fruits et légumes, avait coûté 4 milliards d'euros."
L'élevage est aussi grandement touché. Les vaches, par exemple, ne produisent plus de lait car elles souffrent de stress lié à la chaleur. Les rendements laitiers s'effondrent en conséquence. Une étude menée en 2015 par Lallemand Animal Nutrition avait calculé que les pertes de lait se situaient autour de 2,4 kg par jour en moyenne quand les élevages passent 10 heures par jour au-dessus du seuil de stress thermique.
Jusqu'à 0,2% du PIB en 2003
La terrible canicule de 2003 fait office de cas d'école. Cet été-là, le plus chaud depuis 73 ans, la canicule a entraîné une surmortalité d’environ 14.800 décès, soit une augmentation de 60 % par rapport à la mortalité attendue.
Après cet épisode, le Sénat a constaté que la croissance a été amputée de 0,1 à 0,2 point de PIB sur l'ensemble de l'année, soit 2 à 4,5 milliards d'euros.
Mais depuis, les pouvoirs publiques se sont organisés avec un Plan national canicule qui a permis de limiter les effets sanitaires. Celle de 2019, par exemple, qui avait vu la France battre des records de température, avait entraîné une surmortalité moindre de 1.500 décès, selon Santé Publique France.