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424 milliards d'euros: à quoi correspond l'addition Covid estimée par Bercy

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En additionnant les dépenses déjà engagées et celles à venir, les recettes fiscales et sociales perdues, les PGE qui ne seront pas remboursés et le coût du plan de relance, Bercy estime que sur trois ans la crise Covid coûtera 424 milliards d'euros, soit 6330 euros par habitant.

A force d’ajouter les milliards, on s’y perdait un peu. Mardi 13 avril, le ministre des comptes publics a donc dévoilé le montant de l’addition Covid: 424 milliards d’euros répartis sur trois années. Ce montant ne correspond évidemment pas à ce que l’Etat aura déboursé entre 2020 et 2022.

Il s’agit de l’addition des dépenses engagées ou programmées (chômage partiel, fonds de solidarité, assurance-maladie) mais aussi des recettes (impôts, taxes et cotisations sociales) qui ont déjà été perdues ou qui, selon toute vraisemblance, le seront d’ici la fin de l’année prochaine. S’ajoute à cela, la part des prêts garantis par l’Etat dont Bercy estime qu’ils ne seront pas remboursés ainsi que les engagements financiers propres au plan de relance.

6330 euros par habitant

Dans ces 424 milliards d’euros figurent donc des montants qui ne vont plus bouger (158 milliards d’euros pour 2020) et d’autres qui, par définition, sont des estimations: 171 milliards d’euros cette année et 96 milliards l’an prochain. Il se peut donc que la facture se révèle inférieure. Une fois n’est pas coutume, la Cour des comptes est d’ailleurs sur cette ligne. Elle estime en effet que Bercy a eu, sur ce sujet, tendance à exagérer le coût des aides aux entreprises.

Qu’il s’agisse ou non d’une estimation maximaliste, cette addition atteint un niveau difficilement appréhendable par le commun des mortels. Pour en prendre la mesure, il faut donner des éléments de comparaison. Ces 424 milliards d’euros correspondent à 18% du PIB de la France en 2019, avant donc que le blocage partiel de notre économie ne le fasse plonger. Ou, pour que ce soit encore plus parlant, 6330 euros par habitant.

La France n'a pas joué petit bras face aux Etats-Unis

En mettant en avant cette addition impressionnante, Bercy a, en tout cas clairement plusieurs arrières-pensées. D’abord, quantifier le "quoi qu’il en coûte". Communiquer autour de ces 424 milliards d’euros, cela permet d’adresser le message suivant aux Français: "Regardez, l’Etat a joué pleinement son rôle. Il n’a pas lésiné." Ensuite, riposter à ceux qui disent: "La France et l’Europe jouent petit bras face aux Etats-Unis qui engagent des milliers de milliards de dollars dans la relance de leur économie".

Certes, le plan de relance de la France est moins ambitieux. Mais c’est normal puisque, par tradition, notre pays consacre beaucoup d’argent à ses filets sociaux. De sorte que, lorsque l’économie va mal, le pouvoir d’achat de la plupart des Français est, en grande partie, préservé. C’est cette recette qui a été appliquée dans cette crise. De façon spectaculaire.

Limiter la dette à 60% du PIB? Une règle caduque

Pour nous comparer à l’Amérique de Joe Biden, il convient donc de prendre toutes les dépenses en compte et pas seulement celles affectées au plan de relance. Car l’épargne accumulée par les ménages jouera un rôle majeur dans la relance. L’OFCE parle d’une croissance possible de 6% en 2022 après 5% en 2021

Dernier point. Il s’agit d’adresser un message à l’intention de la commission européenne et des Etats adeptes de l’orthodoxie budgétaire toujours prompts à dénoncer la dérive des comptes publics. Bruno Le Maire l’a dit sur BFMTV ce matin : les critères de Maastricht sont en partie caducs.

A Bercy, on veut bien croire à la possibilité de revenir à un déficit à moins de 3% d’ici à 2027, moyennant de gros efforts. En revanche, faire repasser la dette sous la barre des 60% du PIB, relève de la mission impossible. Pour la France, mais aussi pour l’Italie ou pour l’Espagne. Et ce point-là est sans doute le plus important.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco