10 milliards d'euros dans l'économie française: que possède déjà le Qatar en France?

Et revoici le Qatar. Plus d'une décennie après l'arrivée fracassante de l'émirat dans l'économie française, Emmanuel Macron a annoncé ce mardi en présence de l’émir Tamim bin Hamad al-Thani un investissement de 10 milliards d’euros.
Avec cette annonce qui sera détaillée par Gabriel Attal ce mercredi, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre dans les relations économiques entre les deux pays.
Car cette fois le Qatar a ciblé des secteurs clés. Les 10 milliards d’euros qui seront investis d’ici 2030 le seront dans la transition énergétique, l’électronique, l’intelligence artificielle, la santé, l’aérospatiale ou encore la culture.
Des activités d’avenir dans lesquelles le Qatar veut se diversifier en investissant dans des start-up et des jeunes entreprises innovantes via des véhicules de capital risque.
Ce qui est un peu différent de la précédente salve d’investissements. Favorisée par les autorités françaises sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l'arrivée du Qatar s'était concentrée sur des lieux patrimoniaux.
Avantage fiscal sur les plus-values
Dans l’hôtellerie de luxe notamment via la filiale du fonds souverain Katara Hospitality en charge des investissements touristiques. L'Emirat s'était offert un centre de conférence du Quai d’Orsay devenu depuis le palace Peninsula. On peut aussi citer le Royal Monceau à Paris, les hôtels Carlton et Martinez à Cannes et des centaines de millions d'euros investis dans les beaux quartiers de la capitale.
Si la famille al-Than n'a jamais caché son goût pour les belles pierres françaises, l'avantage fiscal accordé au Qatar en 2008 n'a pas déplu aux autorités de l'Emirat. Comme d'ailleurs le Royaume-Uni, la France exonère notamment de plus-value les investissements qatariens dans l'immobilier au moment de leur revente.
"Les Qataris résidant en France bénéficient d’un régime dérogatoire pour l’IFI, les sociétés qataries profitent de déductions sur leurs bénéfices réalisés en France et il n’y a pas de retenue à la source sur les dividendes ni d’imposition sur les redevances, indiquait en octobre dernier à Challenges le député Horizons, François Jolivet qui estime à plus de 150 millions d'euros le manque à gagner pour les caisses de l'Etat. Au total, c’est sans doute l’un des pays qui jouit du meilleur accord fiscal avec notre pays."
Outre l'hôtellerie, la décennie passée était celle du sport avec le rachat du PSG en 2011 ou encore la création de la chaîne de télévision Bein Sport.
Le sport, le luxe était pour le Qatar des projections de puissance, une façon d'imprimer la rétine sur la scène internationale avec des acquisitions spectaculaires.
Dans la foulée, le pays richissime grâce au pétrole et à d'immenses réserves de gaz qu'il partage avec l'Iran avait pris des participations dans des fleurons industriels hexagonaux. Rachat du Printemps et de couturier Balmain, entrées au capital de Veepee (23%), d'Accor (11%), de Vinci (4%), de TotalEnergies (3%) ou encore de LVMH (1%)...
Le Qatar préfère le Royaume-Uni
Un appétit qui avait suscité de nombreuses craintes ou moqueries. De "la vente de la France à la découpe", au "QSG" (pour Qatar Saint-Germain) en passant par "Doha-sur-Seine" pour qualifier Paris... Ces investissements n'avaient pas toujours été accueillis avec bienveillance.
L'Hexagone n'est pourtant pas la première destination des placements qatariens. En Europe c’est au Royaume-Uni que l'Emirat a fait le plus d'emplettes avec plus de 46 milliards d’euros d’avoirs. Avec 25,2 milliards d’euros selon l'estimation du cercle économique franco-qatari Qadran, les investissements du Qatar en France sont au même niveau que ceux de l’Allemagne où le fonds souverain QIA a pris par exemple des participations dans l’énergéticien RWE ou le constructeur Volkswagen.
De plus la France a aussi massivement investi au Qatar. Plus de 120 entreprises françaises y sont implantées comme Carrefour, BNP Paribas, Accor, TotalEnergies, ou encore Bouygues, LVMH ou Decathlon. Le commerce bilatéral entre les deux pays a atteint 6,4 milliards d'euros sur la période 2022-2023. La balance commerciale française a même longtemps été excédentaire (de 2014 à 2021). Elle est devenue déficitaire avec l'Emirat seulement en 2022 avec la flambée des cours du gaz, selon les chiffres de France Trésor.
Le Qatar est aussi un des principaux clients de l'industrie de l’armement française avec plus de 11 milliards d’euros de ventes entre 2013 et 2022, soit 10% à lui seul des ventes françaises (dont 36 Rafale et peut-être bientôt 24 de plus), selon le ministère des Armées.
La France s'appuie de plus sur le Qatar pour garantir son indépendance gazière vis à vis de la Russie. Un partenariat stratégique a été conclu fin 2023 avec TotalEnergies pour la fourniture de gaz naturel liquéfié pour une durée de 27 ans.
Un an et demi près les polémiques de la dernière Coupe du monde, c’est désormais business as usual entre la France et le Qatar.
