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Des bouts de code disséminés sur 4 continents: la tactique étonnante de cette famille qui a tout misé sur les cryptos pour se protéger des enlèvements

Didi Taihuttu, père de la "Bitcoin Family"

Didi Taihuttu, père de la "Bitcoin Family" - Didi Taihuttu

Face à la vague d'agressions, la "Bitcoin Family", a révélé avoir complètement repensé la sécurisation de ses cryptomonnaies et compte éviter la France lors de son prochain voyage en Europe.

La multiplication des enlèvements visant les détenteurs de cryptos pousse certaines figures de l'écosystème à prendre des mesures… parfois radicales. Alors que des patrons d'entreprise optent pour une sécurité rapprochée ou une pseudonymisation de leur présence en ligne, d'autres acteurs se montrent plus inventifs.

Ainsi va de Didi Taihuttu, patriarche de la "Bitcoin Family", une célèbre famille de détenteurs de cryptos. Dans d'une interview accordée à CNBC, il a révélé avoir complètement repensé la sécurisation de ses actifs.

Une famille crypto emblématique contrainte de se cacher

La "Bitcoin Family" est devenue une légende dans l'écosystème crypto. En 2017, cette famille néerlandaise avait fait sensation en vendant absolument tout (maison, voiture, vêtements…) pour investir la totalité de leur patrimoine dans le bitcoin, qui valait à l'époque… 900 dollars.

Depuis, ils vivent comme des nomades avec leurs trois filles, sans compte bancaire, en utilisant uniquement des cryptomonnaies pour tous leurs achats. Avec l'envolée du bitcoin, l'investissement initial de la famille a été multiplié par plus de 100 et les Taihuttu ont surfé sur leur notorité en déposant la marque "Bitcoin Family".

Mais suite aux récents enlèvements qui font frémir tout le secteur, cette notoriété est devenue un fardeau dangereux.

"Nous avons tout changé (…) Même si quelqu'un me mettait un pistolet sur la tempe, je ne pourrais pas lui donner plus que ce qu'il y a sur le portefeuille de mon téléphone. Et ce n'est pas grand-chose", a confié le père de famille Didi Taihuttu à CNBC depuis la Thaïlande.
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Un système de sécurité digne d'un film d'espionnage

Fini les clés USB sécurisées ("hardware wallets") que la famille cachait sur plusieurs continents. Désormais, les Taihuttu ont adopté une méthode encore plus sophistiquée: ils ont divisé leur phrase secrète de 24 mots (un enchaînement de mots sans lien les uns avec les autres qui donne accès à leurs cryptos) en quatre morceaux de six mots chacun, cachés sur quatre continents différents.

Certains de ces morceaux sont stockés numériquement via des services ultra-sécurisés, d'autres sont gravés à la main sur des plaques d'acier résistantes au feu, puis cachées dans des endroits secrets répartis entre l'Europe, l'Amérique du Sud, l'Asie et l'Amérique du Nord.

Dans le passé, la famille avait déjà caché des dispositifs dans des appartements de location en Europe et des unités de stockage en Amérique du Sud, mais leur nouvelle méthode va encore plus loin dans la discrétion. "Même si quelqu'un trouve 18 des 24 mots, il ne peut rien faire", explique Taihuttu. Et pour brouiller encore plus les pistes, il a modifié certains mots de la phrase originale selon un code personnel.

Pour leurs dépenses quotidiennes, la famille utilise des portefeuilles qui nécessitent plusieurs signatures avant chaque transaction, comme un coffre-fort nécessitant plusieurs clés différentes. Environ 65% de leur fortune crypto reste stockée "hors ligne" et répartie sur les quatre continents -une sorte de retraite qu'ils ne prévoient de toucher que si le bitcoin atteint 1 million de dollars d'ici 2033.

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100 millions de dollars en ligne de mire

Malgré ces préoccupations sécuritaires, la famille garde ses ambitions intactes. Taihuttu vise une fortune nette de 100 millions de dollars dans ce cycle de hausse du bitcoin, avec toujours 60% de ses avoirs en bitcoin et le reste réparti entre d'autres cryptomonnaies comme l'ethereum et le solana, ainsi que des investissements dans des start-up.

La famille utilise maintenant principalement des plateformes d'échange décentralisées, qui permettent de trader sans confier ses cryptos à une entreprise tierce -un retour aux valeurs originelles du bitcoin.

Cette révolution sécuritaire s'accompagne d'un changement radical de mode de vie. Fini les vlogs Youtube où l'on peut deviner leur localisation, terminé les posts Instagram en temps réel. Taihuttu a même dû déménager après avoir reçu des messages inquiétants de personnes qui avaient identifié sa maison en Thaïlande grâce à ses vidéos.

"Mes enfants lisent aussi les actualités -surtout cette histoire en France où la fille d'un PDG crypto a failli être kidnappée dans la rue", raconte le père de famille.

La France rayée de la carte pour des raisons de sécurité

Pour sa sécurité, la famille, qui va se déplacer en Europe, a décidé d'éviter la France. Une décision qui n'est pas anodine pour cette famille nomade qui parcourait librement l'Europe. Mais la concentration récente d'enlèvements liés aux cryptomonnaies sur le territoire français a changé la donne. Entre le père du crypto-millionnaire séquestré près de Paris avec amputation d'un doigt, l'enlèvement du cofondateur de Ledger et de sa femme dans le centre de la France et la tentative de kidnapping de la fille d'un PDG crypto dans la rue, l'Hexagone est devenu une zone rouge pour la "Bitcoin Family".

"Nous sommes devenus un peu célèbres dans un marché de niche, mais cette niche devient maintenant un très gros marché (...) Et je pense que nous verrons de plus en plus de ces vols. Alors oui, nous allons définitivement éviter la France", explique Taihuttu à CNBC.

Une décision qui témoigne de l'ampleur de la menace pesant sur les figures publiques du secteur crypto, contraintes de repenser entièrement leurs habitudes de voyage.

William Helle