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Cryptomonnaies: Ledger appelle à améliorer le règlement européen TFR

Dans un document adressé aux décideurs politiques, la licorne française explique en quoi ce règlement lui semble injustifié, faisant des propositions d'amélioration.

Alors qu’un trilogue entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen sur le règlement TFR (pour "Transfer of Funds Regulation" qui vise à appliquer des mesures contre le blanchiment d'argent) s'ouvre demain à Bruxelles, Ledger tire la sonnette d'alarme.

La licorne française, qui commercialise des portefeuilles de cryptomonnaies, publie aujourd’hui une proposition politique intitulée "Comment gagner le Web3 : quatre recommandations pour les décideurs politiques de l'UE " visant à permettre à l'UE de saisir la révolution du Web3 et "'éviter les erreurs réglementaires du passé". L'information a d'abord été révélée sur Politico. Cette publication fait suite à la lettre que l’industrie crypto avait adressée aux 27 ministres de l’Economie des Etats membres de l’Union européenne la semaine dernière.

"Des milliards d'euros, des dizaines de milliers d'emplois"

Le patron de Ledger, Pascal Gauthier, a notamment tweeté que le TFR pourrait "coûter à l'Union européenne des milliards d’euros, des dizaines de milliers d'emplois, et forcer la révolution Web3 à quitter l'UE au profit des US ou encore de l’Asie", selon le position paper consulté par BFM Crypto.

Point par point, la société crypto explique pourquoi le règlement TFR lui semble injustifié. Par exemple, si la société reconnaît que le blanchiment d’argent est un problème, il "ne représente toutefois qu'une infime partie du volume illicite déplacé dans le système financier (…) seulement 0,15% des transactions en crypto-monnaies en 2021 impliquaient un élément de criminalité", précise Ledger. De même, la blockchain pourrait constituer un outil de lutte contre la criminalité très efficace que l’"Union européenne ne saisit pas".

Par ailleurs, pour la société crypto, le TFR ne respecterait pas les droits attachés à la vie privée des européens. Avec TFR, les exchanges et l’ensemble des intermédiaires crypto (Crypto Asset Service providers ou CASP) seraient tenus de collecter de nombreuses informations privées sur toute partie prenante à une transaction avec un exchange, ce que Ledger considère comme disproportionné.

Les recommandations de Ledger

Dans ce contexte, Ledger fait plusieurs recommandations aux décideurs politiques.

"Nous proposons plutôt une solution plus adaptée à l'Europe, en accord avec les normes internationales, qui exploiterait et s'appuierait sur les atouts uniques de l'Europe", souligne le document consulté par BFM Crypto.

La société crypto recommande ainsi de ne "jamais dépasser les recommandations du Groupe d'action financière (GAFI)", l'organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent.

Par exemple, les recommandations 15 et 16 du GAFI sont considérées comme poussées à l'extrême, à l'instar des mesures AML (Anti Money Laudering) et KYC (pour "Know Your Customer" ou "connaître son client", un système pour vérifier l'identité d'un client, NDLR) dès le premier euro.

Par ailleurs, Ledger suggère de "refondre TFR" pour mieux utiliser le potentiel des outils d'analyses sur blockchain, évoquant des alternatives pour vérifier l’identité des personnes qui seraient moins intrusives et plus sûres. Enfin, la société suggère "d’investir dans des partenariats publics/privés pour développer et être le premier à commercialiser une solution d'identité auto-souveraine pour l'Europe."

Les unhosted wallet évoqués tardivement

Pour rappel, l'objectif du règlement européen sur les transferts de fonds (TFR) est de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Datant de 2015, ce règlement a été rouvert en 2021 pour y introduire les cryptomonnaies. En juillet 2021, la Commission a notamment réalisé une analyse d'impact sur le secteur des cryptomonnaies, à destination du Conseil et du Parlement européen.

Ledger regrette que la mention "unhosted wallet" n'apparaisse pas dans cette analyse d'impact, et qu'elle était évoquée pour la première fois... en mars 2022 au Parlement européen, soit au cours des négociations TFR. Pour rappel, un unhosted wallet (aussi appelé portefeuille non hébergé) est une solution technique qui permet de conserver les codes d'accès à ses cryptomonnaies. Les sociétés Ledger, Trezor ou encore Fireblocks entrent dans cette catégorie. La société crypto regrette enfin la vitesse des négociations sur MiCa (ou Market in crypto assets) et TFR.

Selon nos informations, il n'est pas surprenant que la directive TFR, qui date de 2015, ne fasse pas nécessairement mention de la notion de "unhosted wallet", alors qu'elle fait bien fait mention des cryptomonnaies. En général, une analyse d'impact, qui vise à interroger les acteurs de l'industrie, se focalise sur un nombre restreint de thématiques. Par ailleurs, la vitesse des négociations pourrait-elle être liée à la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui se termine en juillet? La question peut être posée.

Pauline Armandet