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Donald Trump a fait des émules: après les États-Unis, de plus en plus de pays veulent eux aussi leurs réserves de bitcoins

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Depuis que la première puissance mondiale entend créer une réserve stratégique de bitcoins, le sujet est abordé aux quatre coins du globe. Certains Etats avancent plus vite que d'autres.

La prochaine grande étape pour l'industrie crypto, "ce sera quand les Etats de premier plan auront des réserves en cryptomonnaies. Cela pourrait arriver d’ici 5 ans", indiquait Eric Larchevêque sur BFM Crypto en 2023.

Le co-fondateur de Ledger avait vu juste alors qu'aucun Etat ne misait sur le bitcoin à cette époque, excepté le Salvador. Un bouleversement a été créé avec l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis en novembre 2024, qui a émis l'idée d'une réserve stratégique de bitcoins durant sa campagne. Le 6 mars 2025, le président américain a signé un décret visant à établir cette fameuse réserve. Elle sera constituée des 198.000 bitcoins saisis d'affaires judiciaires. Les Etats-Unis se réservent aussi le droit d'en acheter tant que cela reste "neutre" sur le plan budgétaire.

A l'heure où le bitcoin voit sa valeur évoluer depuis 15 ans, une réserve stratégique revêt de multiples enjeux: économiques, géopolitiques, géostratégiques. Le bitcoin "est indépendant de tout autre Etat, ce qui est particulièrement utile pour planifier et projeter la mise en réserve et/ou l'utilisation de la réserve pour des besoins stratégiques, sans dépendance à des décisions d'autres Etats, donc en toute souveraineté. C'est la seule monnaie et un des rares actifs à avoir cette propriété", explique l'expert en sécurité crypto Renaud Lifchitz.

"C'est une course au plus rapide. Les Etats qui feront le deuil du système fiat en premier auront un avantage à accumuler une ressource rare en l'achetant avec une monnaie qui se déprécie perpétuellement et tend vers zéro", explique Alexandre Stachtchenko, directeur de la stratégie chez Bitstack.

Alors que 9 pays possèdent du bitcoin dans le monde, seuls deux constituent véritablement des réserves: le Salvador et le Bhoutan. Après avoir rendu le bitcoin légal en 2021, le Salvador accumule des bitcoins chaque mois, revendiquant 6246 bitcoins au compteur. De même, le Bhoutan est le deuxième pays à acheter du bitcoin dans le monde, et en compte 11.286.

Multiplications des débats

Aux Etats-Unis, le New Hampshire et le Texas sont les deux seuls Etats à avoir adopté une loi visant à créer une réserve stratégique de bitcoins. D'autres y réfléchissent, comme le Massachusetts, tandis que des initiatives ont échoué, comme au Dakota du Nord et du Sud et en Pennsylvanie.

En Amérique latine, la leader de la lutte vénézuélienne María Corina Machado, qui a reçu le Prix Nobel de la Paix ce vendredi 10 octobre, appelait dès septembre 2024 à créer une réserve stratégique de bitcoins au Venezuela, pour lutter contre les déséquilibres économiques du pays. Au Brésil, le député Eros Biondini a proposé d’utiliser jusqu’à 5% des fonds du Trésor public brésilien pour acheter des bitcoins, faisait émergé un débat dans tout le pays.

En Europe, l'idée fait aussi son chemin. Le député polonais d’extrême droite Sławomir Mentzen s’est d'abord emparé du sujet. Il a été suivi par l'eurodéputée française Sarah Knafo (du parti Reconquête d’Eric Zemmour), qui a appelé les Etats européens à "investir dans le bitcoin" pour constituer des réserves nationales. En Allemagne, Christian Linder, l'ex-ministre des Finances, a suggéré que la Banque Centrale européenne (BCE) et la banque centrale allemande (Bundesbank), incluent du bitcoin dans leurs réserves stratégiques. Or, en juin 2024 l’Allemagne a vendu 50.000 bitcoins saisis lors d’affaires judiciaires.

Réserves de bitcoins versus réserves "sûres et fiables"

En janvier 2025, le gouverneur de la banque nationale tchèque (CNB), a déclaré vouloir que sa banque centrale se dote d'une réserve stratégique de bitcoins. Il s’est heurté à la méfiance de la patronne de la Banque Centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, déclarant que l’Europe avait besoin de "réserves sûres et fiables".

En octobre 2025, deux députés conservateurs suédois ont déposé une proposition de loi pour établir une réserve stratégique de bitcoins. Enfin, ce jeudi 9 octobre, le Fonds souverain intergénérationnel (FSIL) du Luxembourg a annoncé vouloir investir 1% de ses participations dans le bitcoin. Si le terme "réserve stratégique de bitcoins" n'est pas mentionné, le fonds se place dans une logique d'achats de bitcoins. Il devient le premier pays de la zone euro à se lancer dans l'aventure.

A l'inverse, certains Etats européens restent frileux. En avril 2025, le président de la Banque nationale suisse (BNS) a refusé d’avancer sur un projet de réserve, malgré la proposition de l’association Bitcoin Initiative de modifier la Constitution en ce sens. De même, alors que l'Etat Français détient "majoritairement" des bitcoins sur les 302 cryptomonnaies saisis par l'Agrasc, le débat n'a pas émergé.

Jusqu'à présent, les initiatives pour créer une réserve stratégique de bitcoins sont principalement portées par des groupes politiques de droite ou d'extrême-droite.

"C'est avant tout un effet de halo à partir du président américain. L'idée en elle-même n'a pas particulièrement de couleur politique, de la même façon que de disposer de réserves d'or n'est pas de gauche ou de droite. En revanche, Trump ayant mis en place l'idée aux Etats-Unis, la gauche redoute toute assimilation et laisse le champ libre", tempère Alexandre Stachtchenko.

Pauline Armandet