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Voitures électriques et hybrides

Pourquoi les constructeurs automobiles veulent sortir toujours plus vite leurs nouveaux modèles

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Les délais de développement sont en train d’être divisés par deux, sous l’impulsion des nouvelles marques chinoises. Une transformation à marche forcée où les constructeurs historiques n’ont pas forcément toutes les cartes.

Deux ans, à peine plus, au lieu de trois ou quatre ans. C’est le temps que visent désormais les grands constructeurs occidentaux pour développer leurs nouveaux modèles. Bousculés par Tesla, par les nouvelles marques chinoises surtout et leurs pratiques de développement venues du monde de l’électronique, les grands groupes sont obligés d’accélérer.

Deux ans pour développer un nouveau modèle

C’est ainsi le cas de Renault. En septembre dernier, la marque au losange dévoilait "Leap 100", nom de code pour son nouveau plan de développement de véhicules en cent semaines, soit à peine deux ans. Premier modèle à en bénéficier: la future Twingo électrique.

"Le nouveau de standard de développement dans l’automobile est aujourd’hui de 18 à 24 mois, nous explique Sébastien Amichi, associé automobile chez Kearney. Et avec un véhicule qui évolue tout au long de sa vie commerciale".

Une approche qu’essaie aussi d’adopter Audi. La marque allemande compte sur son nouveau directeur technique Geoffrey Bouqueot, venu de chez Valeo, pour "conduire la transformation vers une organisation centrée sur le logiciel".

"On s’ouvre à des écosystèmes, on s’ouvre à des gens qui viennent de mondes différents pour ouvrir cette séparation entre le software et le hardware, comment on peut l’accélérer", explique à BFM Business Geoffrey Bouquot.

"L’idée est d’aller le plus vite possible tout en garantissant le service et la qualité premium, poursuit le nouveau directeur technique. On a montré qu’on était capable d’aller de plus en plus vite, donc cette accélération, peut-être que nous pourrons aller encore plus vite un jour." Des délais de 26, 28 mois ne semblent ainsi pas impossibles.

Audi sort cependant de longs mois de décalage de ses lancements, même les plus importants, comme le nouveau Q6 e-tron l’an dernier, sous le coup des erreurs de développement logiciels du groupe VW. Une situation qui semble se résorber aujourd’hui.

Une tendance venue du monde de l'électronique

Cette accélération de la sortie des nouvelles voitures fait écho au renouvellement rapide des smartphones, ordinateurs, téléphones, un monde dont viennent Xiaomi, Nio ou BYD, les nouveaux leaders de la voiture électrique. Le risque, en prenant trois ou quatre ans pour sortir une nouvelle voiture, est qu’elle soit déjà obsolète à sa sortie. Cette pression concurrentielle raccourcit aussi les cycles de vie des véhicules. Un modèle n'a plus vraiment besoin d’un restylage à mi-vie quand le modèle ne reste que cinq ou six ans sur le marché (au lieu de huit à dix ans), évolue annuellement via la logique des années-modèles et peut se mettre à jour "over the air"?

Accélérer suppose cependant d’avoir une organisation tournée vers cette performance selon Sébastien Amichi. Diviser par deux le temps suppose par exemple de choisir les fournisseurs plus tôt, sans avoir au préalable développé la pièce. De mener de concert plusieurs phases: en grossissant le trait, le designer dessine le jour, les ingénieurs calculent la nuit.

"Beaucoup plus d’étapes sont validées par simulation digitale plutôt que par des validations physiques, nous explique Sébastien Amichi. D’une centaine de prototypes chez une marque traditionnelle, les nouveaux acteurs chinois n’en réalisent qu’une vingtaine".

Ces derniers, comme Tesla, ont aussi réduit la diversité en options, peintures, packs d’équipements, ce qui fait moins de combinaisons possibles à valider. "Or chez les généralistes, on ne vend que 15 à 20% des variantes", poursuit notre expert.

Le gain de temps permet aussi de gagner de l’argent, mais demande une implication très précocedu département commercial. De nombreux métiers doivent donc travailler en parallèle, proches les uns des autres, dans des temps très contraints. Cette approche peut-elle se glisser dans un monde de télétravail, de congés à un rythme récurrent? Des questions que ne se posent pas les marques chinoises au temps de travail élastique et au droit du travail inexistant.

Les groupes occidentaux travaillent de plus en plus en Chine, comme Renault qui a implanté un laboratoire de développement dans le pays ou Audi qui a renforcé sa coopération avec son partenaire SAIC. Renault a d’ailleurs donné rendez-vous pour la prochaine Dacia électrique: Luca De Meo a promis de la développer en 16 mois.

"Je défie tous nos concurrents de développer une voiture aussi vite, même les constructeurs chinois qui viennent en Europe", a lancé le mois dernier le patron de Renault. Il faudra cependant attendre 2027 pour la voir arriver sur le marché.

Pauline Ducamp
https://twitter.com/PaulineDucamp Pauline Ducamp Rédactrice en chef adjointe web