Pourquoi Renault va si mal
Coup de tonnerre chez Renault. Le groupe pourrait fermer trois usines en France et engager la reconversion de son usine de Flins (Yvelines), qui assemble actuellement les Renault Zoé et la Nissan Micra.
L'information émanant de plusieurs titres de presse (Le Canard Enchaîné, Les Echos) intervient une dizaine de jours avant que le constructeur français dévoile officiellement le vaste plan de restructuration que redoute les salariés du groupe. Une réduction des coûts de 2 milliards d'euros, qui avait été annoncée avant la crise sanitaire, et qui n'excluait pas déjà des fermetures d'usines.
"Renault n’a aucun tabou sur les fermetures d’usines dans le monde et en France", déclarait ainsi le 14 février dernier Clotilde Delbos, la directrice générale par intérim du Groupe Renault, en attendant l'arrivée de Luca di Meo le 1er juillet prochain.
> Une situation financière inquiétante
La déclaration de la patronne par intérim du groupe tricolore faisait suite à l'annonce de mauvais résultats financiers, avec en particulier une perte nette de 141 millions d'euros enregistrée l'an dernier, une première depuis 2009.
L'arrestation de Carlos Ghosn fin 2018 a plongé le groupe français et Nissan, son allié japonais, dans une période d'incertitudes. De quoi également mettre un coup d'arrêt aux efforts de synergie entre les deux entités, qui dégageaient d'année en année de plus en plus d'économies pour en faire un champion mondial.
> Une production trop importante
Parmi les raisons de cette méforme économique, une situation de surcapacité industrielle, autrement dit des capacités de production trop importantes par rapport aux ventes du groupe.
Les syndicats s'attendaient donc depuis février à cette annonce de fermetures d'usines, en particulier en France. La seule surprise pour eux, fut de découvrir le nom des sites qui pourraient fermer dans la presse, avant d’en avoir été informés.
Mais ce genre de fuites reste assez classique. En faisant pression par exemple sur la direction ou l'Etat, actionnaire de Renault, elles permettent de mettre en avant des problématiques sociales pour peser dans les négociations et ainsi orienter le plan qui sera finalement annoncé la semaine prochaine.
> Des modèles mythiques en fin de règne
En février, Renault rappelait que 35% des ventes en Europe de la marque Renault reposaient sur les Clio et Captur. A l'opposé de ces modèles à succès, le Kadjar a clairement perdu la bataille face au Peugeot 3008 et à d'autres SUV concurrents.
Les dernières générations d'Espace et de Scénic n'ont pas non plus rencontré le succès attendus. Un choc pour des modèles mythiques de la marque au losange qui pourraient disparaître du catalogue, comme l'indiquait récemment l'agence Reuters.
> Alpine, un sommet trop haut pour Renault?
L'usine de Dieppe (Seine-Maritime) étant évoquée parmi les sites menacés, on peut également citer le cas de la marque Alpine. Ressuscitée par Renault, avec, fin 2017, une inauguration en grande pompe de la nouvelle chaîne d'assemblage par Bruno Le Maire, déjà ministre de l'Economie, et Carlos Ghosn, encore aux manettes, qui s'était paraît-il laissé convaincre par ce projet... sans trop y croire.
Un succès d'image incontestable, mais un marché de niche et la volonté de concurrencer des marques comme Porsche, n'était-ce tout simplement pas trop ambitieux pour le groupe français?
En décembre 2019, on apprenait que le site de Dieppe divisait par deux son rythme de production. L'objectif affiché n'a jamais été de faire de gros volumes, mais d'effectuer une percée sur le segment "premium" à fortes marges, expliquait alors Renault, rappelant qu'après le petit coupé A110, de nouveaux modèles étaient prévus pour développer la gamme, dont un SUV. Mais il était peut-être déjà trop tard.
> Une électrification pas encore rentable
C'est assez déroutant mais Renault, pionnier de l'électrique avec sa Zoé, a peut-être eu raison trop tôt.
Le site de Flins (Yvelines) qui assemble la petite citadine zéro émission, avec de nombreux progrès réalisés pour sa deuxième génération lancée l'an dernier, fait pourtant partie des sites menacés.
Le reflet d'un constat simple. Si l'électrique fait plus que jamais figure de motorisation d'avenir, surtout pour respecter les normes environnementales de plus en plus exigeantes, il n'y a pas encore de modèle économique aussi rentable que dans le thermique. Principal problème: la production des batteries assurée à l'étranger, ce qui retire une grande partie de la valeur ajoutée aux constructeurs français engagés dans cette transition.
Le projet programme européen de production de batteries et la possible reconversion du site de Flins pour assembler ces unités de stockage de l'énergie et répondre à la forte demande à venir, font partie des pistes possibles. Au même titre que le plan de relance de l'industrie automobile d'après crise sanitaire qui s'oriente vers un fort soutien aux modèles électriques. Selon nos informations, il sera présenté en début de semaine prochaine par Bruno Le Maire.