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Pourquoi le plan d'économies de Renault n'a rien à voir avec la pandémie de Covid-19

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Si l'épidémie a plombé les ventes du constructeur depuis deux mois, le plan d’économies répond à une situation financière dégradée bien avant la crise du Covid-19.

Mi-février, la petite phrase avait suscité l’inquiétude. "Il n’y a pas de tabou sur des fermetures d’usines en France", avait expliqué Clotilde Delbos, la directrice générale par intérim de Renault, lors de la conférence de presse dévoilant les résultats financiers de Renault pour 2019. Le constructeur venait d’annoncer une perte de 141 millions d’euros en 2019, une première depuis 10 ans.

Avant le confinement, et alors que la crise du Covid-19 ne paraissait encore qu’un problème lointain, les dirigeants de Renault travaillaient déjà sur un plan d’économies pour un constructeur qui allait mal. Un plan à lancer avant même l’arrivée du nouveau directeur général Luca de Meo le 1er juillet prochain.

"La crise du covid n’en fait que légitimer l’urgence"

Lors de la conférence de presse ce vendredi organisée pour détailler ce plan de compétitivité, les dirigeants de Renault ont dissocié à plusieurs reprises la crise du Covid-19 et ce plan de 2 milliards d’économie.

"La crise du Covid a évidemment été assez terrible mais elle n’a pas heurté que Renault, elle a heurté d’autres entreprises. Le plan que nous présentons, nous l’aurions présenté de toute façon, crise Covid ou pas, puisque nous l’avions annoncé avant que cette crise n’arrive, a rappelé Jean-Dominique Senard. Il n’y a aucun lien entre les deux, le plan de compétitivité était structurellement nécessaire, il résultait d’un diagnostic que nous avions pu faire les mois précédents. Si nous voulions rattraper la concurrence, il fallait mettre ce plan en œuvre. La crise du Covid n’en fait que légitimer l’urgence".

Une crise qui remonte à 2018

Pour comprendre les difficultés de Renault, il faut remonter deux ans en arrière. La marque au losange est alors entré dans un trou d’air dans son catalogue de véhicules, avec le renouvellement de ses produits phares, la Clio et le nouveau Captur. Le constructeur n’a peut-être alors pas mis tous les moyens sur les bons modèles, le tout avec une gamme pléthorique de près de 50 modèles dans le monde.

L’arrestation de Carlos Ghosn en novembre 2018 a également bouleversé la gouvernance de l’entreprise, retardant la prise d’un certain nombre de décisions tout en exacerbant les difficultés avec l’allié Nissan. Le repli de différents marchés, notamment en Argentine ou en Russie mais aussi un ralentissement en Europe, a aussi chahuté le constructeur dont la stratégie n’était peut-être alors plus adapté.

"Une rupture totale avec la stratégie adoptée par Carlos Ghosn" 

Clotilde Delbos a clairement taclé ce matin la stratégie de ces prédécesseurs, Carlos Ghosn en tête, pour justifier ce plan d’économie. "Ces vents adverses ont montré les limites de notre modèle économique qui pariait sur une croissance sans précédent des marchés émergents et de nos volumes de vente durant ces années de course au volume et à l’innovation pour atteindre des objectifs de croissance, a expliqué Clotilde Delbos. La fin justifiait les moyens. Aujourd’hui, nous payons le prix de cette politique".

 "C’est une rupture totale avec la stratégie adoptée par Carlos Ghosn depuis de nombreuses années", résume sur BFM Business Frédéric Rozier, coresponsable de la gestion de portefeuille chez Mirabaud.

Le constructeur attend désormais le versement d’un prêt garantie par l’Etat à hauteur de 5 milliards d’euros. Les négociations avec les partenaires sociaux doivent elles débuter dans les prochaines semaines. Renault va supprimer 15.000 postes dans le monde dont 4600 en France.

¨Pauline Ducamp