Pilotes, contrôleurs aériens... Comment des milliers de passionnés ont recréé une aviation totalement virtuelle

Un 787-9 de la compagnie américaine roule sur le tarmac de l'aéroport de Newark, près de New-York (Etats-Unis), dans Microsoft Flight Simulator. - StaticSceneries/Flightsim.to
Alors que Microsoft Flight Simulator 2024 - qui se dévoile peu à peu - promet une immersion totale à ses futurs joueurs, certains n'ont pas attendu son annonce pour pousser la simulation aérienne à son paroxysme. Au plus proche de la réalité.
Cette chasse aux détails, les membres de l'Organisation internationale de l'aviation virtuelle (IVAO) la connaissent bien. Depuis plus de 25 ans, ils jouent aux pilotes et aux contrôleurs aériens sur les meilleures licences de vol du marché (Microsoft Flight Simulator, X-Plane et même Prepar3D).

"C'est un petit peu le reflet de la société", s'enthousiasme Aurélien, 38 ans, à la tête de la division française d'IVAO depuis janvier dernier. "L'organisation a pour but de fournir aux passionnés de simulation aéronautique un environnement très réaliste."
"Cet environnement comprend des services de contrôle aérien en temps réel, toutes les informations relatives aux conditions de vol, des formations pour les apprentis pilotes de ligne, des contrôleurs du ciel et une gamme d'événements communautaires", poursuit le passionné d'aéronautique.
Le tout dans un jeu, bien sûr. Bien qu'il change - ici - de dimension. "Le but, c'est de pousser le réalisme au maximum", détaille Aurélien, qui est titulaire d'une licence de pilote privé (PPL) depuis ses 17 ans dans la "vraie vie".
Des "qualifications" pour évoluer
Mais dans l'IVAO "on vise un public assez large", relativise Élodie, qui gère la division française avec Aurélien. "Il y a des simmers (joueurs habitués aux simulations, ndlr) qui sont là pour se détendre et d'autres qui veulent avoir une expérience de vol comme dans la vraie vie."
Rien ne prédestinait cette cheffe de projet web de 35 ans à se plonger dans le monde intriguant de l'aviation virtuelle. Et il en va de même pour quelques-uns des 3.250 membres que compte le département français d'IVAO.
À l'échelle internationale, l'IVAO, qui a été créée en 1998, compte plus de 250.000 adhérents et presque autant de divisions que de pays dans le monde, avec un âge minimum de 13 ans. "L'entrée y est libre, on peut commencer à voler au sein de l'organisation avec aucune heure de vol. Mais pour y évoluer, il faut passer des qualifications", renchérit Élodie.

Les "qualifications" permettent aux membres de l'organisation de devenir contrôleur aérien ou pilote virtuel. Il existe différents échelons, tous conditionnés par la réussite d'un QCM (souvent en anglais) et d'un (ou plusieurs) examens pratiques.
"Elles demandent de l'investissement. Mais après tout, on ne devient pas pilote ou contrôleur aérien sans qualification. Ce sont quelques responsabilités", relativise Aurélien, dont le père est pilote de ligne chez Air France.
Pour les simmers qui se rêvent en pilote de ligne virtuel, il est possible de passer une licence de "pilote privé" (appelée "PP" chez IVAO) après 50h de vol en ligne. S'ensuivra une qualification de "pilote privé émérite" (SPP) après 100h de vol sur simulateur. Il s'agit d'un l'équivalent à la qualification aux instruments IR-ME (qui permet aux titulaires de piloter partout dans le monde).
Les plus aguerris pourront tenter de passer l'examen "pilote commercial" (CP), une sorte de licence de pilote de ligne (ATPL), mais dédiée pour IVAO, à partir des 200 heures virtuelles de vol. Un sacré morceau.
S'entraîner pour "la vraie vie"
Les contrôleurs virtuels du ciel ne sont pas - non plus - en reste. Il existe trois qualifications majeures dans la division française d'IVAO. L'ADC, une licence de "contrôleur d'aérodrome" (piste et taxiways), disponible à partir d'un minimum de 50h en ligne en tant que contrôleur. L'APC, un examen pour devenir "contrôleur aérien d'Approche" (100h). Et l'ACC, la qualification pour devenir "contrôleur Aérien Régional" (200h).
"On essaye de se rapprocher le plus possible des régulations en place dans la vraie vie", souligne Élodie. "On a une grosse base de données qui est mise à jour régulièrement. Forcément, tout ne peut pas être comme en vrai, il y a des adaptations pour le jeu."

Ainsi, le METAR (le rapport d'observation météorologique) des aéroports et des aérodromes est mis à jour "toutes les 30 minutes", de manière automatique. Et les SID/STARS/AIRACS (procédures de vol) le sont "tous les mois".
"Il y a quelques profils qui s'entraînent avec les membres d'IVAO pour passer des qualifications dans la vraie vie, notamment de futurs contrôleurs aériens", reconnaît Aurélien. "C'est là que la simulation prend tout son sens."
Mais au-delà de cet apport réalistique, Élodie et Aurélien veulent souligner le côté humain d'une telle organisation. "Il y a plus de vie. L'immersion est totale, on communique avec de vrais gens et pas une intelligence artificielle", précise cette première. "Les personnes qui volent sur Microsoft Flight Simulator, par exemple, sont souvent en discussion parallèle sur Discord. Ce qui favorise l'inclusivité", conclut Aurélien.
Doyenne dans le secteur des réseaux virtuels de simulation de vol et de trafic aérien, l'IVAO est l'une des deux entités majeures avec VATSIM (le Réseau virtuel de simulation de vol de trafic aérien) à proposer ce genre de services dans des simulations aériennes.