Pourquoi le possible accord entre l'UE et le Mercosur ravive le mécontentement agricole

Le rapprochement entre l'Europe et l'Amérique du Sud remobilise les syndicats agricoles. Le début de l'année avait été chahuté pendant plusieurs semaines par un mouvement de colère d'une partie des agriculteurs, alors étendu sur une bonne partie du continent européen, et la fronde pourrait bien reprendre dès l'automne en France. En Occitanie, d'où est parti le mouvement hivernal, plusieurs actions ont été constatées ces derniers jours, dans le Gers ou l'Ariège. Les syndicats majoritaires, eux, ont entretemps appelé à une nouvelle mobilisation à partir de la mi-novembre.
Si les conditions météorologiques, les mauvaises récoltes et le regain des maladies animales ne sont pas étrangères à la situation explosive sur le terrain, l'avancée des discussions sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur ont fait "déborder le vase", a déploré le président des Jeunes agriculteurs (JA), Pierrick Horel, lors de la conférence de presse tenue par son syndicat et la FNSEA, les deux jambes de l'alliance syndicale majoritaire. Les organisations agricoles craignent une possible conclusion de ces négociations d'ici la fin de l'année.
Brésil, Argentine et Paraguay
Les négociations sur un accord de libre-échange ont débuté au début des années 2000 avec les quatre pays fondateurs du Marché commun du Sud (Mercosur), c'est-à-dire le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, auxquels s'ajoute désormais la Bolivie – le Venezuela, qui a rejoint l'organisation en 2012, en est suspendu depuis plusieurs années. Un accord politique avait été conclu en juin 2019, mais son adoption avait été bloquée par l'opposition de plusieurs États membres de l'UE, dont la France, qui l'estimaient insuffisant sur plusieurs points, notamment environnementaux.
Dans les faits, c'est la question agricole qui suscite de fortes réserves d'une partie des pays européens. L'accord UE-Mercosur, sur le papier, doit permettre d'accroître les relations commerciales entre les deux blocs économiques en abaissant et libéralisant certaines barrières douanières. Côté agricole, le texte de 2019 prévoyait la mise en œuvre de quotas sur certaines denrées, correspondant à une certaine quantité de produits sud-américains exportés vers l'UE sans droits de douane – 180.000 tonnes pour le sucre ou 99.000 tonnes pour la viande bovine, par exemple.
Interrogé ce mercredi sur RTL, le président de la FNSEA a dénoncé "l'incohérence européenne" sur le sujet, affirmant qu'un accord de libre-échange avec le Mercosur ouvrirait la voie à l'importation de denrées agricoles produites "dans des conditions qui ne sont pas les nôtres".
"On ne veut pas être, demain, au menu des pays sud-américains", a déclaré Arnaud Rousseau.
Ce dernier a estimé n'avoir "aucune garantie" sur les "clauses miroirs" et la "réciprocité" promises à plusieurs reprises par Emmanuel Macron pour rendre acceptable un possible accord aux yeux de la France.
La France "de plus en plus isolée"
Selon le scénario choisi, l'approbation du volet commercial de l'accord UE-Mercosur ne pourrait requérir qu'un vote à la majorité qualifiée (15 États membres sur 27), et non à l'unanimité. Dans ce cas-là, la France ne pourrait pas s'y opposer seule, d'autant que certains poids-lourds européens comme l'Allemagne défendent son adoption.
"Il faut qu'il nous dise comment la France, que l'on observe étant de plus en plus isolée, va manœuvrer", a avancé Arnaud Rousseau, déclarant que les agriculteurs français avaient "besoin que le chef de l'État se mobilise".
L'accord UE-Mercosur ne provoque pas seulement des critiques en France. Ce mardi, dans un communiqué commun, sept organisations agricoles européenne ont qualifié de "provocation" l'idée d'un fonds d'indemnisation pour les agriculteurs, sur laquelle serait en train de plancher la Commission européenne pour compenser les possibles conséquences de l'accord, selon le média Politico.