Pédocriminalité en ligne: un règlement européen obligerait Whatsapp à inspecter vos photos

Plusieurs associations de protection de l'enfance appellent ce 4 juin la France à soutenir l'adoption d'un règlement européen protégeant les mineurs contre la pédocriminalité en ligne.
Ecpat France, BeBrave, la Fondation pour l'Enfance, Cameleon, Point de Contact, Elien Rebirth et les Amis de Romy se retrouvent mardi matin place des Droits de l'Enfant à Paris, à partir de 8h30, pour sensibiliser le public en cette journée internationale de l'ONU pour les enfants victimes innocentes d'agression.
Un groupe de travail doit trouver ce 4 juin un compromis à Bruxelles sur un projet de règlement européen, proposé en mai 2022 par la Commission, pour prévenir et combattre les abus sexuels sur enfants.
Fin du chiffrement?
Ce texte est destiné à lutter contre la prolifération d'images et de vidéos relatives à des abus sexuels sur des enfants, et contre la sollicitation d'enfants par des pédocriminels (grooming). Il prévoit des obligations nouvelles pour les plateformes en matière de détection et de signalement aux autorités.
Mais cette proposition est actuellement bloquée: certains Etats membres s'inquiètent d'une possible surveillance généralisée des communications privées et de la fin de la confidentialité des correspondances, puisque les messageries chiffrées (Signal, Telegram, Whatsapp...) seraient concernées. En désactivant leur chiffrement, elles pourraient alors être obligées de scanner les photos et vidéos échangées par leurs utilisateurs, afin de détecter des contenus pédocriminels.
Selon la version actuelle du texte, rapportée par le média Euractiv, les utilisateurs européens auraient alors le choix de désactiver le chiffrement de leurs applications de messagerie, ou de ne pouvoir les utiliser que de façon parcellaire, sans pouvoir envoyer d'images, de vidéos ou de liens.
"Certains pays, comme l'Allemagne, sont opposés à y inclure les messageries chiffrées de bout en bout, alors qu'elles sont massivement utilisées par les pédocriminels", indique Mélanie Marié, chargée de plaidoyer d'Ecpat France, qui lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants. "Nous attendons une position claire de la France sur ce règlement".
En Europe, un enfant sur cinq est victime de violence sexuelle, en ligne ou dans la vie réelle, selon le Conseil de l'Europe.
Signe de l'essor du phénomène, le NCMEC, ONG américaine habilitée à recueillir et traiter les signalements, a enregistré 100 millions de signalements de contenus sexuels impliquant des mineurs en 2023, contre 88 millions en 2022, soit trois images ou vidéos par seconde.
Un "chantage" pour certains élus
L’Union européenne héberge 62% des contenus de violences sexuelles sur les enfants dans le monde, et la France est le cinquième pays européen à héberger le plus de contenus pédocriminels, selon Ecpat.
"Nous attendons un engagement sans réserve de la France pour adopter une législation européenne ambitieuse pour protéger les enfants contre toute forme de violence en ligne, y compris le grooming. Est-ce que les pays sont souverains sur la sécurité en ligne ou est-ce les Gafam, les grandes plateformes internet?", s'interroge Guillemette Vuillard, responsable programme d'Ecpat.
Mais la perspective de cette nouvelle réglementation inquiète certains députés européens, comme Patrick Breyer, membre du Parti pirate. Ce 4 juin, il évoque sur Twitter un "chantage" fait aux utilisateurs pour utiliser des messageries chiffrées comme Whatsapp ou iMessage, afin de choisir entre l'utilisation de toutes les fonctions de ces plateformes ou l'abandon du chiffrement de bout en bout.