Qu'est ce que le "refund", la fraude au remboursement qui s'attaque à Amazon et consorts?

Acheter sur Amazon (ou une autre plateforme de vente en ligne), recevoir son colis, déclarer ne pas l'avoir reçu, se faire rembourser et revendre le colis. Voilà en cinq étapes en quoi consiste le "refund" ou fraude au remboursement. Dans une enquête vidéo, Tech&Co s'intéresse à cette démarche illégale qui se démocratise sur les réseaux sociaux.
Le phénomène "refund"
Dans le détail, qu'est ce que le "refund"? Antoine Chéron, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle et numérique, définit ainsi cette pratique délictueuse:
Le "refund" ou remboursement frauduleux est une pratique consistant à se faire rembourser des produits achetés sur des plateformes de vente en ligne sans en retourner les articles, ou en retournant des produits factices ou dégradés.
Et pour assurer la rentabilité de la démarche, certains ne gardent pas les objets remboursés, mais les revendent ensuite. Selon des témoignages, des fraudeurs au remboursement ou "refunders" arriveraient ainsi à gagner entre 500 et 2.000 euros par semaine.
Mais alors que certains pensaient avoir trouvé une mine d'or, beaucoup se font rattraper par la justice. Certains internautes accusés d'escroquerie par les plateformes disent ainsi avoir écopé de plusieurs dizaines de milliers d'euros d'amende.
Une fraude qui se professionnalise
Le "refund" n'est pourtant pas nouveau mais la pratique a connu une période de déclin avec l'arrivée de l'authentification forte (où chaque compte doit être associé à un numéro de téléphone). Les "refunders" ont depuis développé d'autres techniques pour poursuivre leurs activités frauduleuses.
Mais ces dernières années la pratique s'est fortement démocratisée chez les jeunes qui entendent parler du "refund" sur les réseaux sociaux comme Telegram ou Tiktok. L'arnaque prend une ampleur telle que des réseaux professionnels se sont constitués.
C'est pourquoi Johanne Ulloa, expert en identité numérique et en fraude, distingue deux sortes de fraudeurs : "il y a le fraudeur opportuniste et les fraudeurs qui usurpent ou créent des comptes pour réaliser ce type de fraude de manière professionnelle." Selon l'expert, cette professionnalisation expliquerait en partie l'accélération du "refund".
La forte croissance de ce phénomène est probablement liée à l'ubérisation de ce schéma de fraude, avec des personnes qui revendent leurs services sur des messageries instantanées, créant ainsi un effet de levier. Ces prestataires prennent en charge tout le processus de remboursement, demandent l'accès au compte e-commerce de la personne et se font payer une fois le remboursement réalisé.
La lutte contre le "refund"
L'avocat Antoine Chéron précise que la lutte contre les fraudeurs est déjà engagée par les plateformes comme Amazon. Cela passe par une collaboration "avec des organisations internationales (Interpol, Europol) et des autorités locales pour identifier les réseaux organisés".
Mais aussi, "Amazon utilise des algorithmes d’intelligence artificielle pour détecter les schémas frauduleux comme des retours anormaux, des adresses répétitives". Il est même possible pour la plateforme de "bloquer à vie" les utilisateurs identifiés comme fraudeurs grâce à leur adresse IP et leur empreinte numérique.
Mais que risque un fraudeur en France s'il se fait arrêter? Antoine Chéron précise ce que prévoit le Code pénal pour ce type de délit:
On retrouve notamment l’abus de confiance (article 314-1 du Code pénal) ou une escroquerie (article 313-1 du Code pénal), passible de 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende pour l’escroquerie.
Ensuite le recel, car si un tiers récupère les produits ou participe à la fraude, il peut être poursuivi pour recel de biens obtenus frauduleusement (article 321-1). En résumé, les fraudeurs s’exposent à des poursuites civiles (dommages et intérêts) et pénales pour tromperie et préjudice commercial.
Sur les réseaux sociaux, les créateurs de contenus qui tenteraient de promouvoir activement le "refund" ne sont pas exemptés. Ils risquent notamment d'encourir "des sanctions judiciaires sévères pour complicité d’escroquerie", rappelle Antoine Chéron.