Qu'est-ce que GendNotes, l'appli sur laquelle les gendarmes peuvent noter l'orientation sexuelle et politique des individus?

Image d'illustration - AFP/Archives / JACQUES DEMARTHON
Hier consignées sur des calepins, les notes des gendarmes sont désormais dématérialisées. Un décret adopté le 20 février par le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a provoqué l’indignation. Il autorise l’entrée en vigueur d’un service baptisé “GendNotes” et son utilisation par tous les gendarmes.
En pratique, cette application sert à prendre des notes numériques lors de contrôles, avec pour objectif une conservation simplifiée des données. Jusqu’à présent, les observations des forces de l’ordre restaient consignées sur un bout de papier. Elles pourront désormais être transmises à distance grâce à GendNotes. D'après le texte, les destinataires potentiels des informations peuvent être:
- Les autres militaires de la gendarmerie affectés dans l’unité du rédacteur de la note, sauf s’il s’y oppose.
- Les militaires individuellement désignés par l’auteur de la note
- Les autorités judiciaires
- Le préfet et le sous-préfet territorialement compétents
- Le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française
- Le maire de la commune concernée
Âge, orientation sexuelle, opinions politiques...
Problème, l’éventail d’informations que les gendarmes ont le droit de reporter dans GendNotes est assez large. Ils sont ainsi autorisées à renseigner "l’ensemble des éléments relatifs aux personnes, aux lieux ou aux objets recueillis dans le cadre des interventions des militaires” mais aussi la “prétendue origine raciale ou ethnique”, les “opinions politiques, philosophiques ou religieuses” ou encore “l’appartenance syndicale”, “la vie sexuelle” ou “l’orientation sexuelle”.
La collecte de ces informations est encadrée par le décret et possible uniquement “en cas de nécessité absolue”, comme l'impose la Loi informatique et libertés. Nécessité qui est toutefois laissée à l’appréciation du gendarme. Ses contours ne sont donc pas clairement définis.
Aval de la Cnil
Toutes ces données pourront être conservées pendant trois mois, mais la durée peut être étendue jusqu’à un an. Les accès à ces informations seront tracés et toutes les personnes les ayant consultées verront leur identifiant enregistré pendant six ans.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), le "gendarme des données", a été consultée avant la publication du décret, pour lequel elle a donné son aval. Mais l'institution précise avoir pris “acte des garanties apportées par le ministère, à savoir que [...] les informations seront uniquement accessibles via l'application” et “qu’elles ne pourront pas alimenter d'autres traitements”.
Le risque de la "collecte de précaution"
Sur Twitter, Virginie Gautron, maître de conférences à l’Université de Nantes, explique que ce décret soulève de nombreuses interrogations.
“La Cnil demandait que soient précisés dans le décret les fichiers vers lesquels les données seraient transférées, mais ça n’a pas été fait par le ministère. La durée de conservation est certes limitée à un an, mais ces données alimenteront des fichiers pour lesquels les durées de conservation sont bien supérieures", affirme Virginie Gautron.
Par ailleurs, elle alerte sur le risque que les gendarmes fassent des “collectes de précaution” d’informations. Qui ne seraient donc pas “nécessaires, adéquates et proportionnées”, comme l’impose le texte. Par exemple lors d’un contrôle routier, serait-il nécessaire de noter que la personne a la peau blanche? Ce sera au gendarme d’en décider.
Maddy Scheurer, porte-parole de la gendarmerie nationale, a assuré à 20 Minutes que "comme quand ils écrivaient à la main dans leurs carnets, les gendarmes ne noteront que ce qui peut avoir un intérêt pour la procédure judiciaire et permettre de qualifier l’infraction".