Pourquoi l'utilisation de balises Bluetooth ou de traceurs GPS à l'école pose problème

Un débat qui a agité une école dans le Var (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Depuis quelques mois, une affaire oppose le père d'un élève à l'Éducation nationale. En cause: un Airtag placé dans son sac lors d'un voyage scolaire. Conçu pour aider à retrouver des objets, ces balises sont aussi utilisées par des parents pour pister leurs enfants.
Dans le cas du père du garçon scolarisé à l'école de la Ferrage, le recours à ce dispositif était lié au fait que son fils, âgé de six ans, s'est déjà retrouvé livré à lui-même sur le chemin du retour. "Par deux fois durant l'année scolaire passée, suite à des incompréhensions en rentrant en bus, mon fils s'est retrouvé seul, en situation de vulnérabilité, au bord de la route... Tous les parents redoutent ce genre de moments!", a-t-il expliqué à Var-matin.
Règlement au tribunal
Mais l'utilisation de ce Airtag n'a pas plu à l'école, d'autant plus qu'il n'était pas le seul parent à en avoir glisser un dans le sac de son enfant. La directrice de l'école a découvert l'utilisation de ces dispositifs lors d'une classe verte, alors qu'ils sonnaient de manière intempestive pour signaler leur présence. C'est une des fonctions ajoutées par Apple pour éviter que ces balises ne servent à suivre quelqu'un à son insu. Plus grave encore aux yeux de la direction de l'école, ces appareils permettaient de facto, dans le cadre de cette sortie scolaire, de suivre les mouvements d'autres personnes que l'enfant concerné au mètre près.
Estimant qu'ils posent un problème de sécurité et de protection de la vie privée, les enseignantes ont alors confisqué ces balises et fait voter le conseil d'école, qui a décidé de les interdire en juin dernier. Une décision justifiée par la direction grâce à la loi de 2018, qui interdit l'utilisation du téléphone "ou de tout autre équipement terminal de communications électroniques" par les élèves dans les écoles maternelles et élémentaires, ainsi que les collèges.
Mais cette interdiction n'a pas plu au papa, qui a saisi le tribunal administratif de Toulon et a obtenu gain de cause. Il a ainsi demandé au conseil de l'école de faire marche arrière. "Le juge a pris cette décision tout simplement parce que le code de l'Éducation nationale prohibe les appareils électroniques type téléphone portable ou terminaux électroniques permettant une communication, mais ne prohibe absolument pas des organes électroniques passifs qui n'ont pas pour but d'enregistrer ou de permettre une communication", a expliqué Olivier Ferri, avocat et bâtonnier du barreau de Toulon à BFMTV.
"Raison pour laquelle dans la mesure où la loi interdit les dispositifs électroniques type téléphone, ces appareils type Airtag ou balises de géolocalisation n'en font pas partie", a-t-il souligné.
Le juge a également conclu qu'il ne pouvait pas restreindre une liberté fondamentale: le droit de savoir où est son enfant s'il n'existe pas de texte restreignant cette liberté.
Utilisation potentiellement dangereuse
Le problème, c'est que l'école n'a pas tenu compte de cette décision en référé. À la rentrée, elle a remis aux familles une note confirmant l'interdiction de ces dispositifs. Ayant tenté de régler le problème à l'amiable, sans succès, le père a de nouveau saisi le tribunal il y a quelques jours, afin d'obtenir "un jugement sur le fond. Pour valider définitivement le résultat du référé, mais aussi pour abus de pouvoir".
Il est soutenu par d'autres parents, interrogés par BFMTV, dans sa démarche. L'un d'entre eux, Benoît, est aussi favorable à l'utilisation du traceur sous réserve qu'il soit bien configuré, pour éviter un incident similaire à celui de la classe verte. Vanessa aussi est pour, mais elle regrette que cette affaire se soit réglée devant les tribunaux.
D'autres, en revanche, s'opposent au recours des traceurs pour pister les enfants. C'est le cas de Clémentine, qui demande à l'Éducation nationale de mettre des règles en place.
Olivier Ferri invite, lui, "le législateur [à] se pencher très rapiement sur cette question". "Je crains que l'utilisation de ce type de dispositif s'aggrave, qu'elle puisse être utilisée à d'autres fins" que pister un enfant pour sa sécurité, a-t-il expliqué. Un parent violent ayant été condamné et ayant interdiction de voir ses enfants pourraient par exemple s'en servir pour les retrouver, explique l'avocat.
Enfin, l'académie de Nice qui, contrairement à l'école, a pris acte de la décision en référé, a rappelé auprès de BFMTV que "l'usage de tels dispositifs est déconseillé pendant le temps scolaire". "En effet, la géolocalisation d'un élève revient de fait à suivre les déplacements de toute une classe", ce qui est susceptible d'engendrer des risques, a-t-elle souligné.
Des risques en matière de sécurité des élèves et du personnel, mais aussi de vie privée, car "ces dispositifs peuvent collecter ou transmettre des données personnelles de toute la classe, sans que les autres parents n'aient donné leur accord".