En Arabie saoudite, une application officielle pour pister les femmes

- - FAYEZ NURELDINE AFP
Payer son amende de stationnement, renouveler son permis de conduire ou empêcher sa femme de fuir le pays. Ce sont trois des nombreuses fonctions proposées par l’application Absher, mise en ligne par le gouvernement saoudien et destinée aux habitants du pays. Si les femmes ont désormais le droit de conduire dans le royaume, certaines fonctions d’Absher sont exclusivement réservées aux hommes, dans le but de limiter les déplacements de ces dernières.
Un système d’alertes automatiques
Repérée par le site américain Insider, l’application permet à chaque mari d’émettre - et de révoquer - une autorisation de sortie du territoire pour son épouse, en quelques secondes. Les hommes peuvent être alertés par SMS, dès lors que leur femme s’identifie à un poste-frontière ou dans un aéroport.
D’après les captures d’écran publiées par Insider, l’utilisateur dispose de la liste des personnes “à sa charge”, incluant femmes et enfants. Pour chacune d’entre elles, il est possible de déterminer des autorisations de voyage, sur des durées spécifiques. Absher laisse également la possibilité de limiter les destinations, pour chaque numéro de passeport.
Les fonctions proposées par l’application gouvernementale ne sont pas nouvelles. Le logiciel ne fait que compléter ou remplacer les autorisations papier, indispensables aux femmes désirant quitter le pays. En revanche, il offre un système d’alertes automatiques plus pointu qu’auparavant.
Apple et Google pointés du doigt
L’arrivée de l’application Absher suscite par ailleurs des critiques envers Apple et Google, qui ont tous deux approuvé la plateforme sur leur magasin d’applications officiel. Auprès d’Insider, l’ONG Human Rights Watch rappelle qu’Apple et Google “ont des règles contre les applications qui facilitent les menaces et le harcèlement”. D’après sa fiche, Absher a été téléchargée plus d’un million de fois, rien que sur Android.

Chaque année, de nombreuses femmes tentent de fuir l’Arabie saoudite, s’exposant à des condamnations pouvant aller jusqu’à la lapidation ou la peine de mort. L’un des cas les plus récents concerne Rahaf Mohammed al-Qunun, une Saoudienne de 18 ans qui a finalement été autorisée à s’installer au Canada.
Autre réfugiée, Shahad al-Mohaimeed évoque auprès d’Insider les conseils qu’elle prodigue aux femmes désirant quitter le pays. Elle les incite par exemple à mettre la main sur le smartphone de leur tuteur pour s’accorder une autorisation de sortie, ou encore de modifier le numéro de téléphone rattaché à l’application afin qu’il ne reçoive pas de SMS d’alerte lors de leur fuite.