Un fichier Excel pour gérer la construction d'une Formule 1? Ce patron d'écurie a cru à "une blague"

“Les données doivent guider vos décisions, explique James Vowles, le plus jeune dirigeant d’une écurie de F1, dans l’épisode 4 de la dernière saison de Netflix Drive To Survive. On réalise un million de simulations pour essayer de prédire ce qui va se passer. Ça aide parce que ça donne des pistes sur la manière d'avoir un avantage sur la concurrence".
Cet ingénieur passionné par les mathématiques, la physique et le sport, a rejoint l’équipe Williams en début d’année 2023 et compte bien recourir à l’informatique et l’analyse de données pour diriger son écurie qui atteint bientôt les 50 ans d’existence.
“Une feuille de calcul Excel inutile”
On peut alors comprendre sa stupéfaction lorsqu’il a remarqué à son arrivée qu’un seul fichier Excel permettait de gérer plus de 20.000 pièces automobiles à la fois. Interviewé par le média The Race, il a qualifié ce cahier de construction de la voiture Williams de ‘blague”, ajoutant qu’il est "impossible de naviguer et impossible de [le] mettre à jour”.
Plus encore, ce fichier Excel comporte de nombreuses données manquantes; comme le coût de pièces à l’unité, l’état d’avancement de leur commande ainsi que le temps prévu pour les produire. Ainsi, James Vowles explique qu’il est impossible de prioriser la production d’une section de voiture ciblée, de sa fabrication jusqu’à l’inspection.
"Lorsque vous commencez à suivre des centaines de milliers de composants en mouvement dans votre organisation, une feuille de calcul Excel est inutile. Et une fois que vous commencez à intégrer ce niveau de complexité, là où se trouve la Formule 1 moderne, la feuille de calcul Excel s'effondre et les humains aussi. Et c'est exactement là où nous en sommes", a-t-il fustigé.
Des équipes au bord du craquage
En 2019, l’écurie Williams avait déjà raté des tests de pré-saison, notamment parce que la priorité a été donnée à de mauvaises pièces. Arrivé au même moment que James Vowles, le directeur technique Pat Fry a précisé que pourtant, le projet de transformation du système informatique de traçage des pièces de Williams est “extrêmement coûteux”.
Les équipes se sont retrouvées à fouiller eux-mêmes l’usine pour trouver les pièces correspondantes pour compenser, “quitte à repousser leurs propres limites et craquer”. Une situation très délicate quand on sait qu’une voiture de F1 coûte entre 12 et 16 millions de dollars à être produite.
En 2017, le journaliste Sébastien Anthony d’Ars Technica a pu intégrer l’équipe Renault et y a découvert que la feuille de calcul Excel de conception et de construction de la Renault Sport Formula One comprenait 77.000 lignes, soit plus de trois fois plus grande que celle de Williams.
Ce dernier précise que chaque équipe F1 dispose de sa propre configuration logicielle qui doit être intégrée à plusieurs systèmes complexes comme les résultats de tests de mécanique des fluides computationnelle (CFD) et de soufflerie (aérodynamisme), ou encore ce qui permet d’assurer le prototypage, la fabrication et l’inventaire. C’est d’ailleurs ce qui a motivé Renault à basculer dans le cloud dans la foulée pour mieux piloter ses données et donc son Alpine.