"Youtube paye vraiment mieux": comment les influenceurs français expatriés aux Etats-Unis envisagent la fin de Tiktok

Restera? Restera pas? Aux États-Unis, les jours de Tiktok sont comptés. En avril dernier, le Congrès a voté à une large majorité un texte ouvrant la porte à une possible interdiction de Tiktok.
Plus précisément, sa maison mère Bytedance, basée en Chine, serait contrainte de céder le réseau social, sous peine de devoir cesser d'opérer sur le sol américain. L'application est notamment accusée d'aider Pékin à espionner et à manipuler ses 170 millions d'utilisateurs aux États-Unis, et donc, de menacer la sécurité du pays.
"C'est un peu extrême"
Ce samedi 18 janvier, à quelques heures de la date butoir, TikTok ainsi rendu inaccessible son application en ligne aux États-Unis, mettant à exécution sa menace faute de garanties du gouvernement Biden, tout en indiquant que Donald Trump "va travailler à une solution" avec la plateforme pour la "rétablir". De quoi inquiéter de nombreux créateurs de contenus, qui ont fait de Tiktok, et plus largement des réseaux sociaux, leur gagne-pain.
Ce vote, "c'est un peu extrême", peste TiboPov, au micro de France Inter. "Tout le monde a un compte Tiktok, il y en a énormément qui vivent de ça ou qui gagnent un complément de salaire avec Tiktok", rappelle le Niçois arrivé en 2024 à Miami. Thibault a lancé son compte il y a un moins d'un an. Il partage avec ses 22.000 abonnés des anecdotes sur la vie aux États-Unis. "L'objectif, c'était de faire du contenu en anglais, et je vois que l’audience américaine montait. J’aurais pu potentiellement toucher de plus en plus de monde en faisant grandir mon compte", déplore le vidéaste.
Un avis partagé par Lu_mlllr, fille au pair expatriée aux États-Unis. "Je trouve ça dingue parce que Tiktok, ça génère je ne sais pas combien d'argent", s'exclame la créatrice de contenus suivie par 266.000 abonnés dans une vidéo.
"Ça fait deux ans et demi que je vous partage ma vie sur les réseaux sociaux. Le 19 janvier, autant, je vais me réveiller et je n'aurais plus Tiktok", poursuit-elle.
S'intéresser à Instagram
Mais elle n'entend pas rester sans rien faire. La jeune femme a déjà imaginé quelques plans de secours. " J'ai un Tiktok français et un VPN donc je ne sais pas vraiment si je vais me faire bannir, mais comme j'habite ici, peut-être. Au pire des cas, je vais juste vous poster des Reels sur Instagram", se résigne-t-elle.
De leur côté, Alex et Tom, à l'origine du compte ATFrenchies, s'organisent depuis bientôt un an. "La majorité de notre communauté se trouve aux États-Unis, principalement à New York, Los Angeles et Chicago", analyse le duo auprès de France Inter.
"Nous savions que nous allions perdre une partie de notre communauté avec laquelle nous avons partagé nos histoires pendant quatre ans", lancent Alex et Tom. Alors, "nous avons déjà anticipé sa fermeture et réorienté nos followers vers nos autres plateformes."
Les compères sont aujourd'hui suivis par 1,5 million d'abonnés sur Instagram, contre 2,4 millions sur Tiktok.
Les plateformes du groupe Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) sont particulièrement plébiscitées par les créateurs de contenus à la recherche d'une échappatoire. Selon un rapport de First Insight, 40% des créateurs de contenus interrogés ont indiqué qu'ils se tourneraient vers Facebook. Plus d'un tiers a cité Instagram comme leur meilleure option.
"Youtube paye vraiment mieux que Tiktok"
C'est le cas de Mamanfroggy. Cette Française, expatriée dans le pays de l'oncle Sam, s'est fait connaître en partageant sa vie de mère au foyer aux États-Unis à ses 212.000 abonnés sur Tiktok. Pour le moment, elle "étudie ses options".
"Le plan tout simplement, c'est que je continue à faire ce que je faisais là, mais sur Youtube et Instagram. Si vous aimez vraiment mon contenu, n'hésitez pas à aller vous abonner sur mes comptes", encourage-t-elle.
"Même si je gagnais plutôt bien ma vie sur Tiktok, ça ne me fait pas particulièrement peur qu'ils bannissent l'application. Dans la vie, quand une porte se ferme, une autre s'ouvre", philosophe l'influenceuse.
Pourtant, le timing n'est pas idéal pour la maman expatriée de l'autre côté de l'Atlantique. Son mari a changé de travail et perdu une grosse partie de son salaire. En parallèle, le couple a eu des difficultés à vendre son ancienne maison. "Il y avait bien plus d'argent qui sortait que d'argent qui entrait", raconte la mère au foyer. Mais Maman Froggy préfère rester positive qui voit une opportunité dans l'interdiction de Tiktok.
"Comme vous savez, ça fait longtemps que je parle de Youtube. J'ai déjà ouvert la chaîne, mais je n'ai pas publié de vidéo parce que le peu de temps que j'ai pour travailler, en général, je le consacre à Tiktok. Donc s'ils bannissent l'application, c'est peut-être le coup de pied au cul dont j'avais besoin pour vraiment me lancer sur Youtube", s'enthousiasme-t-elle.
Miser sur Donald Trump
D'autant que "Youtube paye vraiment mieux que Tiktok", rappelle-t-elle. La plateforme de Google verse en effet 45% des recettes publicitaires générées par les vidéos courtes Shorts aux créateurs. Pour les longs formats, le chiffre grimpe à 55%. De son côté, Tiktok dispose seulement d'un fonds à montant fixe pour les influenceurs, sans partage de revenus.
Si ça ne suffit pas, la vidéaste envisage même de se reconvertir, et de reprendre son ancien travail. "Quand mon dernier enfant ira à l'école, je referai ce que je faisais avant, donc les coachings de filles au pair, la gestion des réseaux sociaux d'autres entreprises...", imagine Maman Froggy.
"Et puis vu comment Trump adore Tiktok, je me dis que même s'ils le bannissent, il y a de très grandes chances qu'ils finissent par le remettre d'une façon ou d'une autre", conclut-elle. Le président élu a changé son point de vue sur le réseau social depuis le printemps dernier, après avoir lui-même cherché à le faire interdire en 2020.
Donald Trump, qui compte 14,8 millions d’abonnés sur Tiktok depuis son inscription en juin, avait notamment demandé à la Cour suprême, qui examine la constitutionnalité de la loi qui menace Tiktok, en lui demandant de suspendre la loi. Cela permettrait au nouveau président élu de résoudre le dossier "par des moyens politiques" une fois au pouvoir. L'investiture du Républicain aura d'ailleurs lieu le 20 janvier, au lendemain de l'interdiction de l'application.